₴ Sören Alpheus Lazaridis ₴ ou la Renaissance de l'Hydre

PSEUDO: Ipiutiminelle ; ÂGE: 31 ans ; PRÉSENCE SUR LE FORUM : autant que la vie réelle me le permettra ; NIVEAU DE PUISSANCE (0 ou 1) : 1 ; UN DERNIER MOT ? Le scalpel du chirurgien ne laisse pas la place à l'incertitude

On dit d'une femme qu'elle accouche, peut-être pour être plus poétique, mais on dit d’un monstre qu'il engendre, comme si cela avait plus de force. C'est ainsi que j'ai vu le jour, fils du Titan des Vents et des Tempêtes, : Typhon et d'une créature issue du chaos primordial, : Échidna. Mon père n'était pas un modèle de tendresse, ni ne semblait avoir une quelconque fibre paternelle, pas que cela m’ait jamais importé. Je n’avais aucune importance pour lui et il n’en avait pas plus pour moi. Seul comptait à ses yeux ses unions répétées avec ma mère, cette femme qui n’a été dans ma vie qu’une simple génitrice car ce n’est pas elle qui m’a élevé. Par manque de temps ou par intérêt, elle me confia dès ma deuxième année à la déesse : Héra.

Cette déité, protectrice des femmes, déesse du mariage, gardienne de la fécondité du couple et des femmes en couches, me trouva un lieu où faire mon nid et grandir. Elle me donna ce lieu à défendre, ce territoire que je me mis à appeler maison entre les racines d’un platane sacré sur les bords du lac de Lerne. J’ai vécu des dizaines d’années à la septuple source d'Amymoné, hantant les marais sans fond de Lerne et le lac Alcyonien. Je crois même que cela dura plus de cent ans.

Souvent décriée dans les légendes, : Héra fut essentiellement connue pour sa jalousie maladive et ses actions contre son mari et compagnon infidèle, : Zeus. Je ne peux pas dire qu’elle fut pour moi une mère de substitution présente et attentive, mais elle me permit de vivre, de me développer et de tracer ma voie. Chaque jour elle m’apportait infidèles maris et femmes volages pour me repaître. Par la suite, elle influença leurs chemins pour qu’ils se perdent aux abords de mon lac et de mon territoire. En grandissant, ils ne furent bien sûr pas mes seules proies, et un jour ce fut tout le pays que je pus prendre sous ma coupe. Je garde encore en moi une certaine affection aujourd’hui pour cette charmante déesse vengeresse.

Éternellement, cette vie aurait pu continuer ainsi… Je gardais ma région et les mariages n’en étaient que plus solides grâce à moi au bonheur d’: Héra, qu’aurait pu demander de plus le peuple ? Parfois même, certains me soumettaient un sacrifice pour protéger certains des leurs, leur ‘famille‘, leur ‘clan’ ou même leur ‘amour’. Pathétiques petits humains croquants à souhait, de bien belles années.

Mais il y a des gens qui ne peuvent vivre sans vouloir briser les existences des autres et Eurysthée, ce pauvre petit roi de pacotille, maître de l’Argolide, en faisait partie. Pour détruire un fils de dieu, un fils de : Zeus, : Héraclès, il lui ordonna d’abord de tuer l’un de mes frères, le Lion de Némée, puis de mettre fin à mon existence.

Protégé de la peau de mon propre frère, ce demi-dieu vint pour me détruire. Je me souviens de ce jour avec une étonnante clarté malgré les millénaires passés. Ce jour fut le dernier de ma première vie, comment aurais-je pu l’occulter ? J’ai l’impression que lors de mes derniers instants, ma mémoire s’est exacerbée pour que jamais en moi ne s’éteigne le ressac de ces événements.

C’était un soir d’été et la chaleur étouffante de la fin de journée faisait souffrir bien des hommes alors que le Soleil rougeoyait le ciel et la terre. Moi, je me reposais sur le fond de mon lac, savourant la fraîcheur et le silence qui y régnaient quand des traits de feu vinrent troubler mon eau. Avec violence ces derniers filèrent vers le fond, l’un d’entre eux effleura même ma peau pour y tracer un sillon sanglant. Je me souviens encore de la rage qui éclata en moi, de cette fureur qui grondait au plus profond de mon âme. Je me suis dressé, sifflant de mes multiples têtes hérissées en direction de cet importun.  Héra envoya des océans un crabe pour distraire l’assaillant mais il éteignit rapidement sa vie et je dus lutter seul. A chaque tête qu’il me tranchait, deux repoussaient afin de poursuivre notre affrontement. J’entrevoyais la victoire, voyant la fatigue prendre peu à peu possession de ses traits quand il fit appel à son âme damnée, son neveu: Iolaos. Cet horrible jeune humain l’aida à brûler mes extrémités pendant qu’il coupait les unes après les autres mes têtes jusqu’à ce qu’il ne m’en reste plus qu’une, ma principale, celle de ma raison. La douleur me rendait fou, la colère faisait chauffer mon sang, et chaque seconde qui passait voyait ma fin se rapprocher de moi. Je le sentais, et pourtant, j’étais bien décidé à lutter jusqu’à ma dernière seconde. Cet ersatz de dieu me trancha mon ultime tête et c’est respirant encore que je fus enterré au bord de la route qui va de Lerne à Elaeos.

Mon repère, c’est par la grâce d’: Athéna qu’: Héraclès le trouva. C’est par elle qu’il est venu jusque dans ma couche pour m’éliminer et contre elle ma rancœur est tenace de même que contre cet Eurysthée qui lui donna pour tâche de me détruire, et qui, jamais ne considéra mon exécution comme valide. J’étais mort pour rien, et rien ne me rendrait jamais ce qu’on m’avait pris.

Les jours, les mois et les années passèrent jusqu’à ce qu’ils se changent en millénaire. Alors que mon âme aurait pu errer dans les limbes, quelque part entre le monde des Vivants et l’Enfer, un endroit que les anciens appelaient Érèbe, elle resta là, désespérément prisonnière de mon ultime tête, ma tête immortelle.

Errer entre conscience et inconscience pendant des siècles, ne connaître du monde aucun écho. L’ennui et l’attente, c’était bien là mes seules amies, elles furent bien sûr rejointes par la folie.

Lorsque les dieux s’endormirent, ce fléau que fut ma non-vie s'endormit lui aussi. Le temps sembla s’écrouler et la terre s’arrêter de tourner. Je me souviens seulement ensuite de cet homme qui se mit sur mon chemin, m’empêchant d’avancer. Ce Dieu qui venait me faire une proposition : une nouvelle vie une nouvelle chance, une nouvelle existence...

Je n’ai pas hésité à signer et si certaines anciennes connaissances pouvaient payer lors de mon réveil… cela n’en serait certainement que meilleur.

Je crois que je peux remercier celui qui se fait appeler dans l'ombre Suprême Enfoiré de m’avoir sorti de mon ennui… Je ne savais juste pas oh combien il me serait difficile de renaître dans ce corps qui n’est pas le mien.

J’ai repris pieds dans un monde qui n’a plus de rien de comparable avec celui que j’avais connu aux temps jadis. L’air, les gens, les choses, tout était différent.

Mon corps d’emprunt porte le nom de Sören Alpheus Lazaridis. Un nom presque fait pour moi qui marche à nouveau sur cette terre alors que ma conscience même semblait avoir pris fin. Cela fait un an que j’aborde ses traits et que je vis sa vie, MA vie.

Lorsque je me suis incarné en lui, j’ai vu en moi des bribes de vie défiler comme on regarde des ombres s’animer sur une toile tendue en racontant une histoire. Mais d’ombres il n’y en avait pas, je voyais à travers ses yeux. C'est ainsi que j'appris les us et coutumes de ce monde où j'allais me réincarner. Comme des connaissances qui s'impriment pour toujours et à jamais en vous.

Il semblerait que suivant notre être, nous acquérons en arrivant ici des compétences pour nous aider à nous intégrer... Un masque de plus pour mieux se fondre parmi ses proies, il me semble. Une sorte de camouflage idéal pour préserver le chasseur de ses propres chasseurs et le cacher aussi de ses convoitises.

Marcher comme un homme, n’avoir qu’une seule tête, et me voir sous ses traits, j’ai mis des semaines à m’y habituer, et encore plus à me faire à toute cette modernité et cette nature, présente mais distante...
J'ai appris à jouer l'être humain moi qui jusque là ne les avait jamais vu autrement qu'en mets. C'était... délicat. Qu'est-ce que c'est vraiment, être humain ? Je ne suis pas encore bien sûr de le savoir.
N'avoir qu'une seule tête me donnait la désagréable impression d'être un pauvre animal amputé, ne voir que dans une seule direction à la fois est bien plus perturbant que vous ne pourrez jamais l'imaginer...

Et pourtant, je devins chirurgien et à ce que je compris, le meilleur. de cette petite ville et donc de cet univers.. Réputé, de rumeur irréprochable. Si seulement...
Chirurgien, une position idéal pour qui aime les humains comme je les aime... Je vous vois septique ? Et pourtant j'aime sentir leur sang chaud couler sur mes mains, j'aime l'odeur de leurs tumeurs, et de leurs tissus... J'ai l'impression d'être un grand chef de cuisine qui est là pour sublimer ses plats et quand je suis seul... il m'arrive de me glisser dans la morgue, cette sorte de frigo géant, et de me prélever un petit organe qui ne servirait de toute manière plus à son légitime propriétaire... et de temps en temps, une petite poche de sang, juste pour le plaisir, le plaisir de la gourmandise. Le corps humain a toujours eu pour moi une saveur inimitable. Cela me rappelle ma vie d'avant... Un pur sentiment nostalgique...

Ma nature profonde gronde et s'agite en moi parfois et j'ai découvert que mon sang avait une dualité semblable à ma nature antique. Si je le choisis, il devient guérisseur, soignant plaies et maladies, si on me le prend de force ou si je le décide, il devient somnifère ou poison mortel. J'imagine qu'un jour, comme autrefois, je pourrai même faire repousser un membre...