In the middle of nowhere | ft. Alessandro

Je manque de rougir mais heureusement j'arrive à me retenir alors que mon hôte me déclare vouloir préparer un repas pour nous deux. Du moins je le crois car dans le reflet de la vitre du hall, je vérifie mon visage qui me cuit. J'aurai aimé qu'il n'entende pas le bruit de ma faim et j'ai peur de n'avoir perdu de ma superbe devant lui.

« La grande maréchale de France Anne Jules de Noailles a dit un jour ' le monde appartient à ceux qui n’ont pas d’heure fixe pour les repas ', je pense que nous allons en vérifier l'adage »

Je lui souris mais je ne refuse pas son offre cette fois. Mon ventre m'a trahi et je ne peux donc pas vraiment faire semblant que je n'ai pas faim en cet instant. Je me demande si lui aussi souhaite se sustenter ou s'il ne le fait que pour moi. Il avait dit ne pas avoir mangé auparavant, bien sûr, mais il a dormi et au réveil il n'a peut-être pas faim surtout que la nuit est bien avancée. Tellement avancée que le jour va poindre dans quelques heures à peine.

« Le vin est un nectar mais boire seule une infamie. Je me contenterai d'eau si vous ne m'accompagnez point »

Trop jeune pour boire ? Je ne le pense pas. Dans mon souvenir dès l'âge de dix ans, peut-être douze, les humains devenaient hommes et pouvaient donc boire du vin. Je me demande s'il se considère comme un enfant, lui qui n'en a plus les traits. A la lumière tamisée de son appartement, je détaille son visage fort plaisant. Les lieux sont agréables et lui est sans doute le joyau de ses lieux. Il serait presque dommage qu'il ne veuille pas même boire un verre en ma compagnie. A moins qu'un verre ne lui suffise à perdre sa retenue ? Mes pensées s'égarent un instant alors que je l'imagine alanguit sur une banquette dans un autre temps, nourri de raisins et d'ambroisie.

Il m'abandonne dans son salon et je reste un instant interdit observant les yeux comme on décortique un scarabée avant de prendre place sur son canapé un air distrait sur le visage. Seul, en cet instant, je ne sais que faire. Chez moi je serai déjà dans une autre tenue mais je doute que cette dernière lui plaise en cet instant. On dit souvent aux autres de faire comme chez eux, mais jamais on ne le pense vraiment. Et heureusement sans doute.

Surprenant, c'est la seule pensée que j'ai en cet instant. Dire que je ne m'attendais pas à cette tenue lorsqu'il m'a dit qu'il allait se changer est un euphémisme. Je reconnais dans ce déguisement quelque peu étrange l'apparence générale du chien de mon frère : Cerbère, mais je ne comprends pas bien l'intérêt de revêtir un vêtement à son effigie. J'avoue que j'avais plus espéré qu'il se balade en bas de pyjamas que de la sorte. Je ne sais que penser mais de toute évidence cette tenue, il ne l'a pas mis pour me séduire. Peut-être par protection ? Pour que je ne sois pas tenté de le regarder ? A moins que cet étrange vêtement ne soit confortable à la manière des toges des philosophes du passé.

« Je ne saurai pas boire une bouteille tout seul...  Si cela ne vous gène pas de l'ouvrir pour moi et que c'est du vin blanc, pourquoi pas »

Je parle comme un humain... Un humain bien dans ses chaussures ne peut pas boire une bouteille de vin seul pour la bienséance. Un corps humain peut difficilement rester sain d'esprit en buvant une bouteille de vin seul, j'en suis certain. A mon époque on avait pas ce genre de considération, plus encore lorsqu'on est un Dieu, mais aujourd'hui... je pense que cela ne serait pas correct. De plus je doute que ce jeune homme désire un ivrogne à sa table... Je me rappelle les fêtes de mon neveu Dionysos, ces fêtes où l'alcool, le vin, l'ambroisie, coulaient à flots, où les femmes fêtaient la vie presque nues et où les hommes oubliaient toutes retenues. Je me demande comment Hélios aurait été en ce temps-là ? Aurait-il refusé un verre comme aujourd'hui ou ce serait-il laissé emporter par la fête lui aussi ?

« L'eau est source de vie, comme vous préférez. Vin blanc ou eau plate, je prendrai ce que vous m'offrez »

La manière dont il me sert le verre me fait penser à nouveau aux fêtes de Dionysos... Je souris mais je ne dis rien, ne prenant aucunement ombrage de la situation. Je suis plus surpris de le voir froncer le nez ensuite, j'ignorais qu'il avait une telle répulsion pour le vin... Est-ce au fait qu'il est assez jeune et qu'il n'a jamais eu l'occasion de vraiment l'apprécier ? Il semblait venir pourtant d'un temps lointain. Il m'intrigue.

« A ma connaissance il n'y a aucun aliment que je ne peux pas manger »

Mais l'époque, le monde avait évolué et pendant des siècles je n'avais pas à proprement connu les mets sur mon palais. Je ne savais pas si j'aimais réellement tous les aliments existants désormais mais même si je n'aimais pas, je ferai certainement l'effort et bonne figure... du moins je l'espérais.

« Un repas simple me convient très bien, vous n'avez pas besoin de faire autant. Il est déjà trois heures du matin. Je ne voudrais pas vous ennuyer. J'espère que vous ne travaillez pas demain ? Enfin aujourd'hui, vu l'heure »

Moi oui, du moins j'étais censé y aller mais étant mon propre patron, j'avais pas mal de libertés et si je n'avais pas envie de m'y rendre ou si je ne me sentais pas apte, je pouvais toujours post-poser mon arrivée. Si j'avais dû nourrir tous les animaux tout seul, bien sûr, cela aurait été bien différent. Mais heureusement ce n'est pas le cas et... Je crois de toute manière que seul, cela aurait été une tache bien trop ardue vu au combien mes deux établissements étaient vastes.

« Vous m'aviez dit que vous aimez la photographie non ? Quels sont vos sujets favoris ? »

Une pensée venait de traverser mon esprit, s'il aimait les animaux peut-être que je pourrai lui proposer une journée au parc mais derrière les grilles, au sein même des enclos naturels... J'imaginais que cela pourrait lui faire plaisir et je pourrai même, peut-être, utiliser certaines de ses photos pour une brochure publicitaire ou pour le site internet de l'établissement. Enfin... c'était juste une idée, si ça se mettait, il préférait les natures mortes et les paysages et dans ce cas-là la chose serait bien moins amusante...Quoi que mon parc reproduisait des paysages magnifiques des quatre coin du monde... seulement pour eux, il n'aurait pas vraiment besoin de moi, ils étaient accessibles au public.

Je lui ai dit que tout me convenait, mais j'avoue que ce qui me rendrait malheureux est de manger un buffet entièrement froid ou de la salade. Je ne suis pas un très grand adepte de cette nourriture que je nomme presque affectueusement nourriture pour lapin. Personnellement je suis, et de loin, bien plus carnivore qu'herbivore. Je ne détesterai pas ne manger que de la viande lors d'un repas, par contre ne manger que de la salade serait pour moi une véritable pénitence. Au plus en général, je mange une ou deux feuilles pour faire plaisir mais il s'agit plus pour moi d'une décoration qu'un met remarquable. Bien sûr j'ignore ce qu'il peut avoir en tête mais j'espère que le sujet sera autre.

« Oui et non, disons que j'ai possibilité de m'arranger mais que logiquement je devrai être au travail tout-à-l'heure »

J'ai un petit sourire sibyllin mais je ne lui indique pas un désir de mettre rapidement court à cette soirée improvisée. Je pensais qu'à cette époque ce genre de rencontre ne se faisait plus. Dans le passé c'était une chose bien plus fréquente de se réunir chez l'autre, et pas qu'à deux. Les mondes anciens étaient bien plus ouverts à l'autre, aux rencontres, aux soirées. J'avais bien remarqué qu'avec le temps les hommes avaient fini par se renfermer et par avoir de plus en plus peur de l'autre. Je me demandais si un jour tout cela changerait à nouveau.

« Ce monde semble plus petit que l'ancien et pourtant on y retrouve presque tout, je me demande ce qu'on attend de nous ici, et si vraiment il y a une attente ou si au contraire nous sommes comme dans une sorte de bulle, une télé réalité pour un dieu fou qui s'ennuie »

Je le regarde s'activer et intérieurement je sens la grimace poindre en mon cœur. Une salade.. et zut, de tous les mets qu'il aurait pu choisir, il a choisi celui-ci. Je crois que j'aurai encore préféré les sandwiches oubliés sur le comptoir mais bien sûr je ne vais pas lui dire ni lui faire l'affront, ce ne serait pas correct. Même un dieu peut faire des efforts, j'imagine.

« Avez-vous déjà visité le parc zoologique qui se trouve non loin de l'aquarium ? Il y a de très belles reproductions de paysages et bâtiments de plusieurs parties du monde et ... je pense que bon nombre d'animaux y évoluent bien plus agréablement que dans les zoos de la terre »

Je ne lui parle pas encore du projet qui est né dans mon esprit, pour l'heure je préfère le sonder un petit peu, puis peut-être que je lui ouvrirai les portes de mon domaine d'une façon bien plus grandes qu'il ne pourrait l'imaginer. Je me demande ce qu'il ferait dans l'enclos des éléphants, ou au contact direct des girafes plutôt que de simplement les toucher du bout des doigts sur une passerelle ou de les voir de loin posté dans les gradins lors de leur baignade.

« Vous semblez d'humeur festive, quel est cet air que vous fredonnez ? »

« Ce n'est pas parce que vous étiez insouciant et heureux que vous étiez imbécile. Ce n'est pas de votre faute. C'est la culpabilité qui vous pèse mais vos actions, elles, n'y sont pour rien. J'espère que vous pourrez vous pardonner, c'est important pour avancer. Ne vous posez pas la question de pourquoi vous avez eu une nouvelle chance, mais profitez-en juste »

Personne ne sait pourquoi il a été choisi et je ne suis pas certain que nos origines ou nos actions passées ait été d'une grande importance. Les bons comme les mauvais ont été prélevés au cours des siècles, les humbles comme les dieux, les égoïstes comme les altruistes, comme si quelqu'un avait voulu se reconfectionner un monde afin de l'observer interagir, comme une sorte de télé-réalité pour les êtres immatériels. Je souris, je crois qu'une telle émission aurait plu à mes pairs...

« Je ne sais pas s'il faut voir cette vie comme un vaste jeu pour des êtres puissants mais il ne faut en tout cas pas passer à côté. Profitez-en, vivez la à fond pour ne pas regretter »

Il connaît déjà ma nationalité ou du moins celle que je lui ai lancé entrevoir. Je ne sais pas si dans mon cas on peut réellement parler de nationalité car je n'ai jamais appartenu à un seul pays au sens strict du terme. Ici dans ce monde, je ne sais même pas si on peut dire que l'on en a réellement une. Dans quel pays sommes-nous réellement alors que ce monde ne semble pas faire partie de l'univers connu ?

« Jolie chanson »

Il se met par terre et je ne comprends pas trop pourquoi il ne prend pas place à mes côtés sur le canapé. Je ne pensais pourtant pas le gêner autant et cela me met quelque peu mal à l'aise. J'ai l'impression que la situation est incongrue.

« Vous ne voulez pas venir près de moi ? »

Je me sers un peu, essayant de prendre un peu plus de poulet que de feuilles vertes, quelques concombres, du maïs. Je ne veux pas prendre trop de poulet car j'aimerai qu'il ne me trouve pas impoli et je tends à lui en laisser une large part mais assurément, je ne crois pas que ce sera un gueuleton pour moi en cette heure tardive.

« Ce n'est pas que je n'avais pas une jolie vue mais vous devez être plus confortable ainsi pour manger non ?  »

Il n'était assurément pas japonais chez qui l'habitude de manger à même le sol était monnaie courante. Il devait, je l'espérais, se sentir plus à l'ainsi ainsi posé même si j'avais l'impression que je le gênait assez bien. Il ne devait pas avoir l'habitude de ramener des gens dans sa demeure... Étais-je le premier à qui il faisait confiance ? Je n'en savais rien. Si je n'avais su qu'il batifolait autrefois dans les fourrés avec son fiancé, sans doute l'aurai-je pensé pur et innocent. Ce corps-ci l'était peut-être... Ce n'était pas une question que je devais avoir à l'esprit de toute manière. Il ne m'avait pas invité pour la bagatelle... d'ailleurs pourquoi diable m'avait-il invité ? Je me demandais encore comment je m'étais retrouvé ici, parce que je l'avais aidé ? Pour me remercier ? Peut-être.

« Je suis heureux que vous ne l'ayez pas fait. Vous devriez chérir cette rencontre.
Ce doit être un coup du destin, du moins si vous y croyez »

J'ignorais s'il parlait de moi car à mon sens je n'avais pas fait grand chose pour lui. Je l'avais juste aidé à un instant T... Je lui avais bien sûr un peu parlé ce jour-là mais... pouvais-je être ce genre de rencontre que l'on appelait décisive ? Une rencontre qui pouvait tout changer ? Autrefois j'étais ce genre de personne, mais aujourd'hui ? Pouvais-je vraiment me dire que j'étais un être important ? J'avais parfois l'impression de mener une vie si ordinaire.

« J'aime bien votre voix, elle sonne bien »

Ce n'était pas la voix envoûtante des sirènes, bien sur, mais je trouvais sa voix chantante des plus charmante. J'aurai pu l'écouter encore si seulement je ne l'avais pas interrompu pour lui en demander le titre. Je m'en voulais presque mais peut-être n'avait-il chanté un instant que parce qu'il avait oublié ma présence, peut-être n'aurait-il pas continué.
Je commençais à manger tranquillement.

« Ma fonction ? Humm dans quelle position me voyez-vous ? »

Je souris et mes yeux pétillèrent vraiment. Cette phrase, j'avoue que je l'avais lancée comme un jeu tant par son double sens que pour connaître la vision qu'il avait pu avoir de moi. Penserait-il à un infirmier ? Un employé ? Ou penserait-il à une position de nature bien plus frivole ? J'avoue sans mentir que ce n'était certainement pas bien de ma part mais... j'aimais vraiment le rouge de ses joues et une petite voix au fond de moi me murmurait qu'il serait sans doute encore plus beau avec des yeux enfiévrés.

« N'en faites pas trop, pas que vous n'êtes pas doué ou capable, mais sinon vous n'aurez plus de temps pour vous... et ça aussi c'est important  »

Attirant, beauté, des moteurs qui de tout temps ont ouvert des portes, crées et enfoncés des empires. Il n'a pas tort. Je ne sais pas dans sa vie précédente, mais dans cette vie, la nature l'a assurément gâté. Il est juste dommage que comme bien des nymphes il pense ne se résumer qu'à cela.

« Je ne pense pas que seule la beauté importe, ni que vous, Hélios, ne vous résumiez qu'à cela même si assurément vous avez beaucoup de charme »

Son attitude semble peu en accord avec ses paroles, comme si lui-même ne croyait pas en ses propres mots alors qu'il exerce le métier de mannequin. Aurait-il si peu confiance en lui ? Je ne sais pas si c'est vraiment à moi de le rassurer mais pourtant j'essaye et ce n'est pas pour lui faire plaisir. Je pense les mots que je lui dis.

« Toujours des gens penseront à vous comme à un corps, ou une chose, mais ce n'est pas ceux-là à qui vous devez prêter l'oreille. Ce ne sont pas eux qui sont importants »

En voyant la fontaine à eau qu'était devenue la bouche d'Hélios, j'éclatais d'un petit rire sonore alors qu'il partait se changer. J'avoue que je n'avais pas pensé à ce genre de conséquence. Il était amusant, tellement innocent et amusant... Je sentais que j'allais adorer le côtoyer si d'aventure nos chemins se croisaient à nouveau.

« Je ne savais pas que je vous faisais tant d'effets »

En le voyant revenir habillé de manière moulante et sexy, je ne regrettai en aucune façon ma taquinerie. La soudaine vision était désormais bien plus plaisante pour mes sens. Il était presque dommage que je me devais d'être sage. Et avec ça... Je n'avais même pas eu la réponse à ma question.

« J'ai soigné un adorable petit poisson aux cheveux couleur de blé doré mais non je ne suis pas vétérinaire »

Sa maladresse me fait rire, j'ai l'impression de voir un jeune poulain hésitant. C'est drôle. Attendrissant et drôle. Gêner ainsi quelqu'un ne m'est plus arrivé depuis des années et cela me fait du bien et me plait. Juste pour cela j'aurai à nouveau envie de le revoir. Pas sûr que lui partage ma pensée, pourtant j'ai l'impression qu'il n'est pas indifférent à ma personne. Ses dires semblent aller dans ce sens et je crois qu'il ne saura bientôt plus où se mettre lorsqu'il réalisera la portée de ses paroles. Un humain peut-il disparaître dans le sol ? Je crois que je vois ses contours clignoter, comme une vieille image qui manque de stabilité. Il m'en avait parlé, il n'est pas en ville depuis longtemps... Je me demande s'il s'en rend compte ? Peut-être devrais-je arrêter de le stresser et de le taquiner ainsi ? C'est pourtant si tentant.

Poulain... C'est vraiment à ça qu'il me fait penser, lorsque je le vois tanguer. J'espère que tout cela n'est pas dû à cause de moi ? Quoi que... J'ai bien envie que ce soit à cause de moi. Il tangue un peu plus, il brasse de l'air...et soudain c'est le drame... Il perd l'équilibre... mon assiette se voit pousser des ailes, mais elle ne parvient pas à se stabiliser et s'écrase face contre terre sur le beau tapis. Adieu la salade... Youpie.
Et un beau jeune homme m'atterrit dessus comme s'il avait soudainement l'envie d'un bâton de crème glacée. Sous mon regard, son auguste fessier relevé... sa main sur une partie fragile de mon anatomie. Je ne vois pas son regard changer alors qu'il se rend compte d'où est sa main mais je l'entends se confondre en excuse... pourtant sa main, il ne l'a pas retirée, je me demande comment il va faire pour se relever dans cette position... Il ne va pas avoir le choix de me toucher plus encore et je suis bien décidé à ne pas vraiment l'aider... Son autre main cache son visage, ça n'ont plus ça ne va pas l'aider s'il ne me regarde pas.

« Hélios ? Je ne vous savais pas si empressé. Dites-moi, savez-vous où votre autre main se trouve ?  »

Taquin et joueur je l'étais, et taquin et joueur j'allais le rester. Après tout... il l'avait cherché, au diable si son corps perdait un peu de stabilité.

« Plutôt que de vous changer, je crois que vous pourrez juste rester sans pantalon... Il est... quelque peu huileux cette fois  »

J'allais finir par aimer la salade... avant de s'envoler elle avait fait une bien large tâche qui ne cessait de s'agrandit sur le pantalon de mon jeune assaillant. J'allais finir par aimer cette étrange télé-réalité.
Ma main comme pour lui montrer l'étendue et la gravité de la coupable passa sur ses limites... dangereusement proche de son entre-jambe.

« Elle fait déjà tout ceci... la tâche  »

Je souris un peu triste. Il semble ne pas avoir goûté ma tentative de détendre l'atmosphère et sa soudaine envie de distance me fait penser que je n'ai peut-être pas vraiment ma place dans ce monde, je me sens soudainement bien plus étranger à ce monde que lorsque j' y ai posé le premier pied. J'imagine que je ne suis pas assez au fait aux codes modernes des hommes ou à leurs codes tout court et je soupire de dépit. L'instant de taquinerie est passé.

Il revient avec des vêtements si larges que j'ai l'impression qu'il a tenté de monter un bouclier contre moi et quelque part je sens le froid m'envahir. J'ai l'impression qu'il rejette entièrement ma personne et que j'ai été trop loin. Il semblerait que je n'aurai jamais dû le suivre ici, je n'ai fait que le perturber et le mettre mal à l'aise alors tout ce que je voulais c'est qu'il soit heureux et ait envie d'arpenter un peu plus cette terre.

Je me lève et silencieusement je me rapproche de lui. Une assiette lui glisse des mains et tombe avec fracas sur le sol. Je sursaute, je ne m'y attendais pas. Je le vois se pencher... la coupure fine et puis le sang... J'attrape un morceau de papier essuie-tout et je prends sa main dans les miennes avant de lui parler d'une voix douce tout en faisant un point de pression afin de stopper l’hémorragie. Ma voix est presque aussi peu élevée qu'un murmure.

« Je suis désolé Hélios, ne vous embêtez pas pour le repas. Sachez que je ne vous ferai jamais rien que vous ne vouliez pas. Je vais m'en aller, je crois que... Je crois que je vous ai assez dérangé pour cette nuit. Veuillez me pardonner »

* Je ne reviendrais plus *

Mais cette phrase bien sûr je ne la dis pas. Le silence, je ne sais pas si je le trouve pesant ou non. Des secondes passent, une minute peut-être ? Et pourtant j'ai l'impression que cela dure bien plus longtemps. J'ai oublié de lâcher sa main... Je suis stupide. A voir sa moue si triste, j'ai envie de l'embrasser... Je sais que ce n'est pas le moment et que cela ne le sera sans doute jamais. Je prends son autre main et je la pose sur le papier qui déjà s'est fortement rougi. Je ne suis pas guérisseur malheureusement.

« Prenez soin de vous Hélios »

J'aimerai faire plus mais je me sens tellement impuissant. Je passe une main sur sa joue comme une caresse puis je me relève et je recule de quelques pas. Je ne veux plus l'oppresser.

Pas un bon hôte ? Je pense qu'il exagère. Certes il s'est changé sans doute plus de fois que lors d'un défilé de mode et a voulu que je mange de la salade mais... mise à part cela, je n'avais pas passé jusqu'alors un mauvais moment. Que du contraire en vérité car j'avais adoré le taquiner, le perturber et le faire devenir rouge. Je n'avais juste pas imaginer qu'il deviendrait si distant ensuite, comme s'il s'était blessé à la flamme d'une bougie.
J'avais pensé devoir partir après qu'il m'est fui, mal à l'aise de mettre tombé dessus.
J'avouais ne pas trop le comprendre et me demander ce qu'il convenait de faire. C'est pour cette raison que j'avais émis que je n'allais pas plus m'attarder en sa demeure. Je pensais qu'il en serait soulagé mais il semblait être tout autre.

« Vous n'avez rien à vous reprocher, vraiment »

Mon but, bien qu'il avait été de le taquiner, n'avait vraiment pas eu pour finalité de le blesser ou de le faire se sentir au plus mal. Être moi-même dans ce monde semblait avoir des conséquences fâcheuses et pourtant j'avais pensé me tenir tranquille.

Son baiser sur mes lèvres me laisse coi. Je ne comprends plus du tout cet humain qui souffle avec moi le chaud et le froid. J'imagine que dans son esprit son fiancé n'a pas disparu et qu'il ne souhaite pas, par raison éthique se rapprocher de moi mais alors, pourquoi, pourquoi ses lèvres se sont-elles posées sur les miennes ? Du bout des doigts je touche mes lèvres. La sensation semble y être toujours présente.

« Monsieur Hélios... qu'est-ce que ? »

Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'attend-il de moi au juste ? Je crois qu'il a besoin de réfléchir. Moi aussi sans doute.

« Nous nous reverrons Monsieur Hélios. Passez un jour au parc zoologique et demandez Monsieur Thelxinoé. Je vous souhaite un bon matin et une bonne nuit »

Je lui souris et lui fait tout de même un petit clin d’œil avant de franchir la porte.