Les petits poissons dans l'eau, nagent, nagent tous en rond | ft. Alessandro Thelxinoé

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Je n'ai pas dormi de la nuit, je fais peur à voir c'est évident. Je n'ai même pas pris la peine de me chausser, j'ai juste pris le stricte nécessaire dans mes poches. Il pleut et je marche seul dans la rue, la tête basse, ne répondant pas aux gens qui m'interpellent. Pourquoi je suis dans cet état déjà ? J'ai du mal à me souvenir.

On me demande si ça va, non ça ne va pas. On me demande si j'ai froid, non pas vraiment, en fait je ne sens pas le froid, ni même le chaud d'ailleurs. On me demande si je suis perdu, oui je suis perdu dans une époque et un monde qui ne sont pas les miens. On me demande si je suis sans abri, non j'ai un bel appartement mais je n'ai pas envie de rentrer. Bien sûr, toutes mes réponses ne sont que le silence. Mes jambes font bien ce qu'elles veulent.

Les gens me contournent, d'autres changent de trottoir et puis il y a le reste. Le reste de la plèbe qui te foncé dessus et t'insulte parce qu'ils ne veulent pas admettre qu'ils sont fautifs. Je me suis pris un coup de poing, ma lèvre saigne, mon nez aussi. Je ne sens même pas la chaleur de l'impact.

J'erre sans but depuis plusieurs heures avant d'échouer devant l'entrée de l'aquarium. Comment suis-je arrivé là ? Je paie ma place et entre. Je suis invisible et cela m'arrange. Je serais au calme ici, les poissons ne font pas de bruit et ils ne posent pas de question. Ils se contentent de vivre en acceptant leur sort.

- ...je ne suis pas un poisson...

Un simple murmure, rien de plus.

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Les petits poissons dans l'eau, nagent, nagent tous en rond

Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

La nuit a fait place au jour et déjà l'Aquarium est ouvert. Je ne suis pas du matin, je n'aime pas vraiment les matins. Se lever, aller travailler, vivre une vie bien rangée... C'est ce que les Hommes ont toujours fait, pour avoir une vie, pour gagner leur vie... Moi je ne connais cette vie-là que depuis fort peu de temps. Oh j'avais du travail, bien sûr, mais rien n'était pareil... Et ce n'était pas la Terre la plupart du temps que j'arpentais avec bonheur... L'océan, la vie sous la mer... même l'Olympe... tout ça me rend bien nostalgique.

Pensif je trempe ma main dans l'eau d'un bassin et une raie vient se frotter à mes doigts. Je souris. Vêtu d'un pantalon de toile et d'une chemise qui dépasse d'un pull, je semble être semblable à tous ces humains de passage, je ne semble même pas être un employé de cet endroit... et en même temps j'en suis le directeur. Sur moi, aucun badge avec mon nom, rien qui ne laisse présager de mon rôle ou de mon identité, un homme lambda.

Par le passé je me suis parfois mêlés aux hommes, pour un jour, pour une semaine, mais jamais aussi longtemps. Un an et demi que je me suis incarné dans ce monde, un an et demi que suis limité dans un corps d'homme. Je soupire et je relève la tête, un enfant détalle en riant. Je dois avoir arboré une drôle de tête l'espace d'un instant.

Mon regard croise soudain un étrange énergumène. Le genre de personne qu'on ne peut pas ne pas remarquer. Les cheveux tellement pâles qu'on les dirait presque blanc, le regard baissé, le pantalon trop large, et surtout les pieds nus. Il semble totalement décalé et incongru dans cet endroit. Je crois même voir un peu de sang perler sur son menton mais j'imagine que je dois me faire des idées. Il semble ailleurs... et complètement trempé. Il est vrai que dehors la pluie fait rage depuis quelques heures et pour une fois je n'y suis complètement pour rien.

Déambulant, je me rapproche quelque peu sans toutefois l'aborder. Sa tenue m'importe peu, il n'y a jamais eu de dress code ici, si ce n'est peut-être de ne pas se balader torse nu ou en maillot mais c'est un peu partout comme ça dans les commerces. Je l'observe à la dérobée tout en faisant mon tour habituel d'inspection des lieux. C'est alors que je l'entends murmurer qu'il n'est pas un poisson...

Etrange, c'est le mot qui me vient à l'esprit. Etait-il un poisson dans une autre vie ? Non, c'est impossible n'est-ce pas ? Jusqu'à présent je n'ai en tête que seuls les êtres conscients ont eu la chance ou... la malchance de se voir offrir une nouvelle vie ici. Un triton peut-être ? ça m'intrigue.

Alors j'ose...

« De toute évidence, vous n'en avez pas l'allure non, il vous manque quelques... attributs »

Je souris espérant ne pas le vexer. Et si comme moi il avait perdu presque tout ce qui le faisait être lui-même... Pire, s'il avait perdu sa queue de poisson, ses écailles, ses branchies... Peut-être ai-je fait une erreur en l'abordant de la sorte.

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Taisez-vous, je ne veux pas entendre ces gens rire. Taisez-vous, j'ai mal à la tête. Taisez-vous, j'ai mal à mon âme... Taisez-vous tous autant que vous êtes... Je fixe un poisson qui semble s'être épris de moi. Dégage. C'est con un poisson. Inutile dans cette boîte remplie d'eau loin de son monde. Je regarde mes mains, pourquoi sont-elles dans cet état ? Réfléchis. Ah oui, le mur en béton. Je ne voilà is frapper personne alors j'ai déchargé sur ce mur, dans cette ruelle sombre. Suis-je fou ?

Une voix m'interpelle, je tourne la tête vers l'individu présent à côté de moi et le fixe, silencieux. Pourquoi il me parle ? Il veut quoi ? Je ne suis pas intéressé. Je veux rentrer chez moi, mon vrai chez moi.

- Pourquoi tu me parles toi ? J'ai pas envie de t'entendre... Taisez-vous, tous...

Pourquoi est-ce qu'il a ri ? Je veux qu'on me foute la paix. Je regarde le poisson qui n'a pas bougé et pose ma main contre la vitre. Pourquoi tu me fixes l'ecailleux ? Retourne nager en rond avec tes potes... Je suis fou. J'ai envie de casser cette vitre, si je me noie, je quitterais cette ville et je retournerais chez moi pas vrai ? Je me perds dans mes pensées, oubliant le monde autour. Je fixe mes mains avec un regard fou, j'ai fait peur à un gamin. Il n'avait qu'à pas me reluquer. L'autre est toujours là, je le sens. Je finis par m'éloigner pour continuer la visite.

- Si j'essayais un requin ? Il doit bien y en avoir quelque part... Je ne peux pas être maudits à ce point...

Encore un murmure alors que je marche lentement en mordillant mes ongles, pensif.

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

De toute évidence un visiteur des plus sympathiques. Sa première phrase dirigée à mon encontre ? Loin d'être une douce mélodie.

Je crois que tout son être, son apparence, aurait effrayé n'importe qui. Je vois des mères de famille serrer leur progéniture contre elles et poursuivre leur chemin, j'ai vu un enfant partir en pleure à son éclat de voix. C'est alors que je remarque ses poings qu'il serre... Blessé. Ce jeune homme est dans un sale état. Il semble avoir besoin d'aide mais ne semble pas en vouloir. Ma pauvre phrase n'a eu d'effet qu'à l'irriter plus qu'il ne semblait l'être lorsqu'il était simplement face à ce pauvre petit turbot.

L'ennuyer encore ? N'est-ce pas ce que font les dieux ? Ennuyer les humains pour se divertir ? Et puis j'ai toujours l'excuse que je dois l’empêcher d'effrayer la clientèle même s'il ne le sait pas, n'est-ce pas ?

« Essayer un requin ? Je vous avoue qu'ils ne servent pas vraiment d'ailerons de requins ici, c'est plus amour des poissons que de la soupe de poissons. Par contre en prenant rendez-vous il y a moyen de nager avec les requins-baleines, et les dauphins »

J'ai comme un doute qu'il apprécie que je continue de lui parler, je devrais peut-être abandonner et le laisser finir à son rythme sa visite ? Après tout il fait peur à certains mais il ne semble pas être un casseur. Cela dit je me trompe peut-être, je n'arrive toujours pas totalement à cerner les hommes... Autrefois si je me trompais sur leur compte je savais les punir, mais aujourd'hui... Je dois presque suivre les lois de ce monde.

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J'ai mal à la tête, j'ai l'impression d'être dans un tourniquet en vitesse maximale. Je me prends plusieurs jets comme les astronautes. Je porte mes mains à mes cheveux, y perdant mes doigts, tirant sur mes mèches. Je suis bancal, si je ne trouve pas très vite un coin tranquille, je vais m'effondrer. Il y a encore ces murmures sur mon passage... Bon sang, ne peut-on pas me laisser en paix ? Est-ce trop demandé que de vouloir être isolé dans l'ombre ?

Il me suit et me parle mais je ne suis plus vraiment là. Qu'est ce qu'il veut ? Non... Qu'est ce que je veux MOI ? Il tente de faire de l'humour, ça ne me fait ni chaud ni froid. En fait, je m'en contre fous.

- Mourir en servant de repas... Je sais comment ça fait...

Ma langue natale s'installe d'elle-même dans ma bouche à chaque fois que je murmure. Je me sens mal...

- ... arrêtez de me suivre... laissez-moi... qu'on en finisse... Juste...

J'ai des palpitations et ma tête tourne de plus en plus. Peut être que je devrais rentrer... Je me dirige tant bien que mal vers les toilettes hommes et m'appuie sur les lavabos. Je fixe mon reflet et l'obscurité m'entoure. Tout devient noir. Qui a éteint la lumière ? Je n'aime pas être dans le noir. Je suis glacé et je tremble dans ce monde obscur. Je viens de mourir une seconde fois ? Je vais rentrer chez moi ?

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

Mourir en servant de repas ? Décidément ce petit écailleux a de l'humour, ou peut-être pas ? Fait-il référence à sa vie, ou plutôt sa mort avant d'arriver ici ? Sans doute. Et si je l'appelle dans ma tête petit écailleux c'est parce qu'il a murmuré ne pas être un poisson et que je l'imagine triton. Qu'il le soit ou non importe peu, je ne compte pas le nommer ainsi à voix haute et encore moins lui donner de surnom. Je ne connais même pas son nom.

Aurais-je envie de le connaître ? Pas vraiment en réalité. Peut-être s'il avait été plus avenant. Là j'avoue que l'aider n'est plus ma préoccupation première. De toute manière comme beaucoup d'humains, sans doute, il pense que sa voie est la meilleure et qu'il n'a pas besoin d'aide. Grand bien lui face... Seulement je n'ai pas vraiment envie qu'il aille perturber le repas des requins ou des crocodiles... sans oublier que ce genre d'accident doit me faire remplir une tonne de paperasse... Claquer des doigts aujourd'hui ne ferait pas disparaître mes ennuis, malheureusement.

Grec... c'est alors que je réalise qu'il s'est exprimé en grec... Les langues ne sont pas un problème pour moi... mais le grec... je garde une grande affection pour cette langue en particulier. Ces terres ont portés les premiers de mes temples après tout.

« Je suis désolé de vous dire cela mais... on évite de donner des humains à manger aux poissons, trop de paperasses vous comprenez ? Les nourrir oui... avec son corps, pas trop... On préfère laisser ça aux autres humains »

Je lui ai répondu dans sa langue par plaisir plus que pour lui faire plaisir. J'ai aimé ce peuple, j'ai aimé leur langue et leur contrée. J'ai presque l'impression de sentir sur ma peau le soleil de Grèce... Mais ce n'est qu'illusion. Nous sommes dans la partie tropicale de l'aquarium et s'il faut chaud et humide ici, ce n'est que pour contenter les tortues galapagos qui côtoient les alligators.

Je l'ai suivi jusqu'ici mais alors que je pense tourner les talons et le laisser vaguer et divaguer dans mes installations, je le vois tanguer et se pencher un instant contre la rembarre. Il ne semble vraiment pas aller bien. Je le vois se diriger presque comme un aveugle, les bras tendus comme s'il cherchait à voir ou à récupérer un équilibre qu'il n'a plus. Oui, on dirait un funambule, un funambule bourré. Je le vois se retenir à l'un ou l'autre mur et pourtant il semble malgré tout se diriger vers les toilettes.

J'hésite. Je ne vais quand même pas le suivre aux toilettes, n'est-ce pas ? Qu'il se débrouille. Je reste un instant devant la porte de bois sombre. Les gens me regardent bizarrement. Sans doute doivent-ils se demander ce que je fais ainsi à fixer cette porte sans bouger. Mais je pourrai très bien attendre un enfant et les regards se lassent. J'entends alors un bruit sourd derrière la porte... ça c'est certain, ce n'est pas normal. Même un gros bronze ne fait pas autant de bruit.

J'entre. Je n'ai pas besoin de chercher plus avant. Il est là, étendu sur le sol, face contre terre. Je sais que c'est lui sans aucun doute car ses cheveux et ses pieds nus ne peuvent me tromper. Je soupire. Finalement cette journée sera sans doute moins banale que je ne l'aurai cru. Même aujourd'hui les humains semblent encore pouvoir m'occuper.

Je m'approche et secoue son épaule sans trop y croire.

« Monsieur ? Monsieur ? Jeune Homme ? »

Je n'ai pas essayé dans la langue générale que les habitants de ce monde utilisent, je l'appelle en grec. Je ne sais pas mais j'ai eu l'impression que cette langue roulait plus facilement dans sa bouche. Je me trompe peut-être mais j'ai eu l’impression qu'elle était sa langue maternelle. De toute manière il ne me répond pas. Je m'y attendais. Aucune réaction, il est... dans les choux.

Je glisse mes bras sous son corps et faisant glisser d'un coup d'épaule sa tête dans mon coup je le soulève presque comme une jeune mariée. Il est léger. Trop léger sans doute. Mange-t-il à sa faim ? Peut-être pas. Si ça se met il est entré ici pour se réchauffer car il n'a pas de domicile... Pourtant je vois un cachet sur sa main, il a dû payer son entrée. Je ne comprends pas. Cet homme, ce jeune homme est un mystère complet.

Je sors des toilettes avec lui dans les bras et je traverse la zone tropicale d'un pas vif. Personne ne me demande rien. Quelques regards se portent sur moi mais personne ne semble beaucoup s'inquiéter de notre étrange équipage. Je me demande parfois ce qui peut bien traverser l'esprit des mortels mais il n'est pas l'heure de se pencher sur leur psychologie.

Infirmerie ou mon bureau ? Je soupire... l'infirmier est en congé aujourd'hui si je ne m'abuse. Je me rends tout de même sur les lieux et j'ouvre la porte avec mon pass. Précautionneusement je dépose mon précieux bagage et je regarde autour de moi. Avisant une serviette et une bassine, je remplis cette dernière d'eau froide. Je trempe alors ma serviette dans l'eau et je lui passe sur le front. Répétant plusieurs fois l'opération, je laisse la lingette sur son front pour aller chercher des sels. Ouvrant le flacon, je lui passe sous le nez... Il parait que ça marche... en général... pour que les gens reprennent conscience quand ils ont des vapeurs.

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Je suis nu dans les ténèbres, j'attends patiemment que quelque chose se passe. Rien ne vient. Il y a une odeur bizarre qui flotte. Je papillonne des yeux lentement, ma vue est trouble. Il y a quelqu'un penché au-dessus de moi. Est-ce que je suis avec le Passeur ?

- ...je n'ai pas...de drachmes...à vous donner... Passeur d'âmes... Grand Maître du Styx... Comment je peux faire pour...

Ma vue s'éclaircie progressivement et je me rends compte, tristement, que je ne suis pas retourné chez moi. Je suis dans une grande pièce blanche, probablement l'infirmerie de l'aquarium. Je me suis donc réellement effondré ? Mince... J'ai espéré en vain. Je regarde l'homme présent.

- C'est vous...l'homme de tout à l'heure..

Je tente de me redresser mais, la pièce tourne autour de moi à une vitesse folle. Pourtant, je m'assoie, prêt à partir. Est-ce une bonne idée ?

- Il faut... Il faut que je rentre... Je vais...

...rien faire du tout en fait, je me sens trop mal. Manger aurait été une bonne idée je crois mais, j'ai comme qui dirait oublié. Je finis par me rallonger, grelottant un peu. Me voilà dans de beaux draps.

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

Me prendre pour Charon ? Je ne sais pas comment je dois le prendre ? Est-ce que je semble si vieux et si décrépi ? Je pensais avoir hérité dans cette nouvelle vie d'un visage plus avenant que cela. Je fis la moue.

« Désolé de vous décevoir mais non je ne suis pas Charon, vous êtes encore bel et bien dans le monde des vivants »

Encore... si toutefois j'avais bien compris ce qu'il avait dit un peu plus tôt. Comme moi il semblait avoir eu une vie avant celle-ci et lui semblait être bel et bien mort dans cette vie précédent ce qui n'était pas tout à fait mon cas... Autrefois je ne pouvais mourir. Du moins pas de vieillesse, assurément. Aujourd'hui ? Je ne me risquerai pas à tenter l'impossible car j'ai bien l'impression d'avoir hérité d'un corps mortel même si sous la surface de ma peau je sens encore la réminiscence de mes pouvoirs passés.

« Je ne sais combien d'hommes vous avez pu croiser aujourd'hui mais nous nous sommes effectivement croisés un peu plus tôt et nous avons échangés quelques... banalités »

Si on pouvait qualifier de banalité l'idée d'aller nourrir les requins avec son corps mais il devait se souvenir des propos qu'il m'avait tenu un peu plus tôt, du moins je l'imaginais... A moins que tout ne soit aussi flou dans son esprit que cette pièce semblait l'être pour lui à l'heure actuelle.

« Je ne crois pas que vous soyez en état d'aller ou que ce soit... »

Je posais gentiment une main sur son épaule en espérant qu'il ne soit pas réfractaire aux contacts. On ne connaissait jamais le passé des gens lorsqu’on venait de les rencontrer et de ce jeune homme, je ne savais rien. Il ne semblait vraiment pas à l'aise en ma compagnie et je pense que je ne l'aurai pas non plus été si un inconnu m'avait emmené je ne savais où pendant que je gisais inconscient. Je ne lui voulais pourtant aucun mal et la porte n'était pas fermée à clef. De toute manière vu son état, il n'aurait certainement pas été bien loin même s'il avait été en mesure d'atteindre la porte. Il se mit à grelotter... ses mains tremblaient assez forts, presque comme un drogué en manque. L'idée de l'infirmerie soudainement semblait ne pas être l'idée la plus judicieuse du monde.

« Vous avez froid ? Ne bougez pas »

Je me relevais et ouvrit un placard pour en sortir un plaid polaire que je dépliais pour le placer sur ses épaules. Je le serrais un peu autour de lui avant de laisser pendre les pans à hauteur de ses mains, lui laissant le soin de les saisir ou non.

« Pourrais-je connaître votre nom ? »

A défaut de connaître son histoire pour le moment, j'espérais au moins avoir un nom à placer sur sa personne. L'appeler jeune homme n'était pas vraiment pour me satisfaire. Allait-il seulement me donner sa véritable identité ? Je ne comptais de toute manière pas lui demander un justificatif.

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Sa voix est un peu déformée par la douleur que je ressens soudainement dans tout mon corps. Qu'est ce que j'ai bien pu faire la nuit passée ? Je commence à vraiment me poser des questions. J'acquiesce quand il me demande si j'ai froid. La fatigue m'a rattrapé mais aussi, la pluie incessante des heures précédentes. Je serre le plaid autour de moi, cherchant à récupérer un peu plus de chaleur.

Cet homme n'a pas l'air d'être quelqu'un de mauvais. Il est poli et avenant. J'ai l'impression d'être un chaton perdu, qu'une bonne âme a sauvé. C'est pathétique. Je suis pathétique.

- Hélios... Je m'appelle Hélios... Et vous ?

Il n'est pas Charron, il me l'a dit lui-même. Il doit donc comprendre ce que je dis. Quand je divague, j'ai tendance à parler en grec, ma langue maternelle. Je ne sais pour qu'elle raison mais, ça vient naturellement. Je regarde autour de moi, la chaleur fait progressivement son œuvre, je retrouve une certaine contenance.

- Je m'excuse pour la gêne occasionnée par mes divagations... J'espère ne pas avoir été trop impoli...

Je me sens encore faible mais, mon cerveau semble être en partie fonctionnel.

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

Hélios, le nom d'un ami. Est-ce que ce si jeune homme pourrait être lui ? Le Dieu qui faisait le jour se lever, le Dieu du Soleil ? Je ne sais pas mais je n'en ai pas l'impression. Il semble... différent. Peut-être a-t-il vécu son expérience d'incarnation différemment de la mienne ? J'avoue ne pas en avoir vraiment parlé depuis que je suis ici. Tout le monde dans cette ville fait un peu comme s'il n'y avait pas eu d'avant, comme si tout était normal, comme si ici était notre seule vie... Moi je n'arrive pas à oublier qui j'ai été. Je suis différent et pourtant semblable... Je ne sais pas si c'est la même chose pour tout le monde, si tout le monde préfère s'enfermer dans de faux semblants ou attendre, attendre quelque chose qui jamais ne vient.

« Hélios, comme le dieu ? »

J'ai tout de même tenté, peut-être va-t-il m'affirmer soudainement être le Dieu du Soleil, changer d'attitude, être plus lui ? Je ne sais pas si je serai déçu ou non si c'est le cas, je ne suis pas sûr d'attendre quelque chose de ce jeune homme à vrai dire mais il semble déjà plus calme, plus détendu, plus enclin à me parler. Peut-être parce que je l'ai quelque part sauvé et non jugé et laisser là ? Pensait-il que je jugeais son allure pour avoir répondu si vertement un peu plus tôt ? Peut-être que le regard que je portais alors sur lui était trop insistant, je ne sais pas.

« Je suis Alessandro, Alessandro Thelxinoé »

Lui ne m'a pas donné son nom de famille. Le nom de famille qu'on lui a octroyé en ce monde je veux dire. Moi je me suis presque forgé une identité au fil de mon errance et pourtant au plus profond de moi résonne encore mon vrai nom : Poséidon. Ici peu de gens savent qui j'ai été, je ne le crie pas sur tous les toits, pas alors que mon pouvoir est encore si faible, presque aux balbutiements de sa vie. Je sais que j'ai des ennemis, je ne sais pas s'ils sont ici, mais je préfère être prudent tant que je ne peux lutter.

« Personne n'a été blessé, ce n'est pas un souci. Par contre vous, vous l'êtes. Avez-vous mal ? »

Parfois je sais qu'on peut ne pas sentir la douleur, parfois on ne se rend pas compte qu'on est blessé et pas seulement à cause de l'adrénaline... J'ai remarqué son visage tuméfié et ses mains surtout, je ne sais pas s'il a été roué de coups, s'il s'est battu ou juste s'il est tombé mais... ses mains semblent plus atteintes que s'il ne s'était que retenu. Je ne pose pas de questions à ce sujet, cela ne me regarde pas.

« Vous avez faim ? »

Je me rappelle qu'il m'avait semblé bien trop léger lorsque je le portais. J'ignore si ce jeune homme est un sans abri ou non mais lui proposer cela ne me semble pas trop incongru. Après tout, il aurait pu s'évanouir par manque de sucre dans son sang, par exemple. Tomber d'inanition, ça existe, n'est-ce pas ?

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Je ne suis pas un dieu, qu'elle étrange question. Peut être que lui, l'est ? Non, impossible. Un dieu ne peux décemment pas rester dans un corps d'emprunt aussi... aussi... je ne sais pas en fait. Il me semble moins intrusif que précédemment, devant ce poisson stupide. Je me demande si lui aussi, il avait une autre vie par le passé.

- Non, je ne suis pas un dieu... Loin de là... Je ne suis que l'ombre de moi-même... Je ne suis plus celui que j'étais avant... Juste, Hélios un étudiant lambda... Je n'ai rien de surnaturel... Rien de divin... Rien de démoniaque non-plus... Un être insignifiant qui cherche un moyen de disparaître...

Ma voix est calme mais basse, c'est comme une confession, un secret que l'on confie à une personne de confiance. Sauf que là, cet Alessandro, je ne le connais ni d'Adam, ni d'Eve.

- On m'a frappé... Je n'ai pas répondu... J'ai frappé ce mur de béton en jurant... Je ne voulais tuer personne alors... je m'en suis pris à un objet inanimé... loin des regards... De toute façon, qui ça intéresse...?

Je parle, je parle mais si ça se trouve, il s'en moque comme de sa première chemise. Je redresse la tête et le fixe longuement, le regard sombre.

- Si j'ai faim...? Je n'ai rien mangé depuis hier midi... Ce n'est pas grave... Ce n'est pas important...

Je baisse la tête de nouveau et sourit tristement, je n'ai que trop abusé de sa gentillesse. Et puis, oui, j'ai faim, je dois rentrer avant la nuit.

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Juste un humain donc. Je me doutais qu'il n'était pas l'une de mes connaissances. Un simple humain vraisemblablement il ne semblait pas avoir une très haute opinion de lui-même. Même plus, il semblait se sentir insignifiant. Vouloir disparaître, mourir encore ? Si je ne m'abusais pas, les humains appelaient cela la dépression. Hélios, puisque tel était son nom, semblait dépressif, ne plus avoir envie de vivre cette vie.
Je me demandais ce qu'il pouvait se passer si on redonnait une vie à une personne qui s'était suicidée, dès sa renaissance tenterait-il de repartir ? Certainement si on ne lui laissait pas l'occasion avant de remonter la pente. Je ne savais pas, bien sûr, si c'était le cas de ce jeune homme mais... Il me semblait bien seul et en équilibre sur son point de rupture.

« Personne ne mérite de disparaître ou d'être oublié »

Quelque part je parlais un peu de moi dans cette dernière phrase. Après tout les Hommes peu à peu avaient oublié leurs Dieux pour adorer la Science. J'avais fini par laisser ce monde qui ne semblait plus avoir besoin de moi et j'avais laissé en lui couler mon pouvoir. Aujourd'hui j'avais une nouvelle existence et contrairement à Hélios, je n'avais pas prévu de la laisser à nouveau s'écouler sans moi.

« C'est une attitude noble qui peut faire énormément souffrir »

Je posais une main sur sa joue tuméfiée et caressais du doigt sa lèvre, enlevant un peu de sang de la coupure de sa lèvre. Il se confiait à moi sans que je ne demande rien et je me demandais s'il voyait en moi une personne de confiance ou s'il avait simplement envie de parler et que peu lui importait que ce soit moi, ou un autre, qui l'entendait.

« Hélios je vous propose de vous débarbouiller un peu et moi je vais vous chercher quelque chose à manger. Je suis désolé mais à l'infirmerie ici il n'y a pas de douche, juste un évier... Vous souhaitez quelque chose en particulier ? Pizza, frites, hamburger ? Ah oui il y a aussi des pâtes ici »

Je savais que la cafet d'ici était bien moins fournie que les nombreux restaurants des différentes zones thématiques de mon parc mais il y avait bien quelque chose ici qui devrait lui plaire... A mon avis, il ne devait pas savoir que j'étais propriétaire de cet endroit... ça pourrait être drôle si un jour il revenait ici. Je souris intérieurement, je pensais déjà au fait qu'il voudrait revenir ici... si ça se mettait, ce serait l'unique et seule fois que je croiserai cet étrange jeune homme.

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Il est plutôt attentionné cet homme. Il y a quelque chose qui se dégage de lui, une aura chaleureuse et bienveillante, enfin c'est ce que je ressens à cet instant. J'ai l'impression qu'il me comprend, à sa façon. Quel individu étrange... Il a quelque chose de divin, oui voilà.

- Peut être un hamburger... Même si je ne sais pas ce que c'est... Je vous remercie... Je vais me laver un peu oui...

Je me lève, un peu bancal et me dirige vers le dit évier. Je repère de quoi m'essayer et retire lentement mon haut. Je ne sais pas s'il est déjà parti ou s'il me regarde, peu m'importe en fait. Ce corps n'est pas le mien après tout. Je nettoie doucement mon visage puis mes mains en grimaçant. Cela me fait plus mal que ce que je pensais. Je fixe mon reflet d'un air pensif. Bon c'est vrai que cette enveloppe charnelle n'est pas vilaine.

- Pfff... Si quelqu'un en veut, je lui donne...

Ce n'est pas une façon de parler de son corps mais, comme je l'ai dit, celui-ci n'est pas le mien. Il peut bien être réduit en charpie, je ne le pleurerais pas. Je me rhabille lentement et m'entoure de nouveau dans le plaid avant de m'asseoir en tailleur su le lit le plus proche. Je baisse la tête et laisse vagabonder mon esprit à son gré.

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

Je l'ai regardé se lever, se déplacer bancale sur ses jambes comme un jeune poulain. Une fois certain qu'il semblait capable de se débrouiller seul, je l'ai laissé face à l'évier. Dire que mon regard n'a pas coulé sur son corps lorsqu'il a enlevé son haut serait mentir mais c'était plus pour m'assurer qu'il n'était pas recouvert de coups et autres blessures que pour me rincer l’œil. Je ne dirai pas qu'il semble aller bien, mais somme toute il ne me semblait pas non plus au bord de la mort.

Je hochais la tête pour acquiescer à son choix de menu car même si j'étais dos à lui, il pouvait voir mon reflet dans le miroir et tournait les talons. Je me demandais quelle vision il pouvait bien avoir de moi.
Personnellement ce corps, je m'y étais fait assez rapidement. En tant que Dieu m'ayant plusieurs fois déjà mêlé à la population au cours des siècles, j'avais l'habitude de changer de visages durant quelques jours, ou semaines... Jamais bien sûr cela n'avait duré aussi longtemps. Est-ce que je regrettai mon ancien visage ? Oh sans doute pour l'habitude, mais sinon... pas vraiment. Ma puissance d’antan et ma vie d'avant assurément bien plus. Seulement étais-je vraiment en droit de la regretter alors que j'avais presque choisi de la laisser s'écouler sans moi ? N'avais-je pas presque choisi d'abandonner le monde des Hommes comme ils avaient abandonnés de croire en moi ? Je m'étais moi-même mis à l'écart du monde il y a si longtemps... le sommeil et le rêve plutôt que la réalité et l'ennui. En fait, peut-être que je pouvais comprendre son désir de s'effacer d'un monde qui n'était plus le sien.

Aller chercher un hamburger avec des frites, de la mayonnaise et du ketchup ne m'avait pas pris beaucoup de temps. Il faut dire aussi que je pouvais passer par les cuisines directement plutôt que faire la file comme le commun des mortels. Je frappais avant d'entrer de peur qu'il ne soit pas présentable mais je ne lui laissais pas vraiment le temps de s'habiller s'il ne l'était pas car j'entrai presque directement.

« J'espère que je n'ai pas été trop long »

Je déposais le plateau sur la table basse à côté du lit, comme boisson je lui avais pris de l'eau... n'est-ce pas là le bien universel de ce monde ? L'eau... un bien des plus précieux, plus encore sans doute pour moi que pour bien des êtres.

« Est-ce que je dois prévenir quelqu'un que vous êtes ici ? »

Il me semblait encore jeune au regard de la vie qu'un humain pouvait avoir. Peut-il avait-il des parents, un proche ou quelqu'un dans sa vie. Vu son état il m'avait semblé vivre seul dans la rue mais s'il avait été agressé, je pouvais aussi bien me tromper. Personne ne ressortait indemne d'une agression. Seulement le fait qu'il n'avait pas mangé depuis un moment m'intriguait et me faisait me poser une foule de questions à son sujet. Questions que je n'étais certainement pas en droit de lui poser. Les humains n'aimaient pas souvent qu'on se mêlent de leur vie à ce que j'avais compris, du moins que d'autres humaines s'en mêlent car les dieux, eux, ne demandaient que rarement leur avis à ce sujet.

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Alessandro revient avec un plateau garni. Ça m'a l'air appétissant. Je le remercie une fois de plus et saisi ce sandwich étrange. Je le renifle avant d'en prendre un morceau. Différentes textures, juteux à souhait avec une bonne sauce. J'essuie ma bouche avec mon pouce, dubitatif.

- Ce met est étrange... et appétissant. Mais il ne me rappelle rien...

D'aussi loin que je m'en souviens, ce truc n'est pas de mon époque originelle, c'est évident. Je continue de manger puis prends des frites, ça je connais, j'en mange souvent chez moi. Par contre, qu'est ce que c'est que ces sauces ? Il n'y a pas sauces à mon domicile. Je trempe quelques frites et goûte.

- Hm ? Le goût change en fonction de la couleur... Quelle drôle d'idée.

Je regarde de nouveau Alessandro. Il doit penser que je vie à la rue et vu mon état, c'est compréhensible. Je mange encore un peu et bois avant de lui répondre :

- Je vis seul dans un appartement... Il n'y a personne qui m'attend...

Je reprends mon repas silencieusement. Je retrouve un peu de forces grâce à cette assiette, une fois que j'aurais fini, je paierai ma dette et je partirais. Peut être que je reviendrais avec un peu plus d'entrain un de ces jours, qui sait.

- Je vous suis redevable pour vos bons soins... Je réglerais ma dette quand vous aurez besoin de quelque chose d'important...

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► L’esprit ne vient au poisson que lorsqu’il est pris au filet

Les petits poissons dans l'eau, nagent, nagent tous en rond

Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

On dirait que c'est la première fois qu'il voit un hamburger... En fait j'en suis de plus en plus certain. Je ne sais pas depuis combien de temps il s'est réveillé en ce monde mais il ne doit pas venir d'une époque récente. Le hamburger existe depuis les années 1750 et quelque chose... Oui je me suis renseigné car moi non plus je n'étais pas habitué à ce genre de mets. Mais je me suis adapté, adapté à ce monde et à la demande.

« C'est une belle invention je trouve. Cela ne fait pas longtemps que vous êtes en ville, n'est-ce pas ? »

Pas longtemps qu'il était là ou alors il avait vécu reclu pendant tout ce temps, ce qui était possible. Après tout je ne pensais pas que celui qui nous avait amené ici distribuait les mêmes cartes à tout le monde. Comment il choisissait ses souris de laboratoire, ce qu'il leur donnait ? Je n'en avais aucune idée. A vrai dire ici personne n'en parlait.

« Je vois »

Je le regardais manger un instant puis pensant le gêner je détournais le regard, faisant semblant d'observer les lieux... et même l'extérieur par la fenêtre. C'est quand il m'adressa à nouveau la parole que je reposais le regard sur lui. Il semblait reprendre un peu des couleurs.

« Il n'y a pas de dette, faites juste attention à vous à l'avenir »

Pas de dette, pas cette fois. Même un ancien dieu pouvait par moment être magnanime et puis je n'en avais pas envie, pas pour un simple repas... Après tout je n'avais au final pas fait grand chose pour lui si ce n'est prendre un peu de mon temps. Mais peut-être était-ce ce dont il avait besoin, que quelqu'un, une fois, se préoccupe de lui et de son bien être.

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- Effectivement, cela ne fait pas longtemps que je suis ici... Je me souviens d'avant comme si c'était hier... À mon époque, cet hamburger n'existait pas... On buvait du vin, on mangeait des fruits et les chasseurs nous ramenaient de bon gibiers... Les peaux servaient pour des armes ou des armures... Ma Grèce me manque... ainsi que mon amant... J'ai été stupide... Philosophie, théâtre, jeux olympiques...

Je me souviens de tout et de tout le monde, mon cœur et mon âme sont déchirés, hachés menus par un être qui a jugé bon de me ramener à la vie loin de chez moi. Une larme coule le long de ma joue.

- J'ai aimé, honoré et prié nos Dieux mais, ils m'ont abandonné... Ils ont laissé un fou me ramener sans lever le petit doigt... Je leur en veux tellement... J'ai perdu la foi en arrivant ici...

Je pensais que les Dieux seraient toujours présents pour nous aider, nous pauvres petits humains fragiles mais, dans leurs palais d'or, ils ne prennent plus le temps d'écouter leur peuple, c'est la triste réalité. Je termine de manger, je me sens requinqué.

- Merci pour ce repas, je vais devoir rentrer... J'ai suffisamment abusé de votre gentillesse...

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

« Tous les habitants de cette ville semblent provenir d'autres univers mais personne n'en parle. J'ai entendu dire que même les personnages d'histoires inventées par l'homme prennent parfois vie... Mais ce ne sont pour moi que des rumeurs à l'heure actuelle »

Effectivement ses paroles me confortent dans l'idée qu'il vient d'une époque beaucoup plus familière à ma personne que celle-ci. La Grèce, un des pays que j'ai longtemps aimé. Il semble beaucoup regretter les temps anciens et pourtant devant moi il semble si jeune. Je pensais que les jeunes étaient ceux qui s'adaptaient le plus vite... Cela dit son corps actuel semble jeune, il ne l'est peut-être pas autant en réalité.

« Les Hommes ont oubliés leurs Dieux pour la Science et beaucoup se sont endormis ou ont disparus. Une flamme a besoin de matière pour continuer à brûler »

Les humains avaient cessés de croire en leurs dieux et les dieux avaient fini par cesser de croire en l'Homme et les avaient laissés, eux, tellement sûrs d'eux, faire leur vie. Avait-il vraiment perdu sa foi en arrivant ici ou n'était-ce que des mots ? Je l'ignorai. Je ne savais même pas si les Dieux dont il parlait étaient mes pairs ou non. Le monde était tellement vaste.

« Peut-être côtoierez-vous vos dieux dans ce monde comme voisins. Ne leur reprochez pas tout, eux aussi ont été abandonnés »

Mon regard se fit lointain alors que je regardai par la fenêtre. Les choses auraient-elles été différentes si je ne m'étais pas retiré lorsque les Hommes avaient cessés de croire en moi ? Aurai-je continué à vivre dans mon univers d'origine ou peu importait pour celui qui nous avait amené ici ? Car en vérité je n'étais jamais mort... Tout cela pouvait-il n'être qu'un rêve ? Un rêve pour une prise de conscience ?

« Vous n'allez pas rentrer ainsi... à pieds nus. De mémoire il y a des claquettes à effigie de l'aquarium. Ce n'est peut-être pas le plus à la mode mais... cela protégera vos pieds. Je vais vous appeler un taxi aussi... »

Je n'étais pas passé par la boutique en venant le retrouver pour ne pas le laisser trop longtemps seul dans l'infirmerie. Accessoirement aussi parce que je ne connaissais pas sa pointure et que je n'avais pas pensé à lui poser la question avant de le quitter. Il fallait dire aussi que sur le moment, je n'avais pas vraiment pensé au fait qu'il allait avoir besoin de chaussures. C'était seulement maintenant que j'y pensais.

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Serait-il de la même époque que moi pour défendre les Dieux de cette façon ? Je ne lui demanderais pas, de toute façon, ça m'avancerait à quoi ? Je n'ai pas envie de débattre sur le sujet, qui semble être très sensible dans ce monde. J'essuie rapidement mes larmes, je suis un homme, je ne dois pas pleurer. J'ai étalé mes états d'âme à un inconnu, il a dû faire preuve de courtoisie et de gentillesse pour m'écouter me plaindre. Je suis pathétique... Je n'aurais jamais dû quitter mon appartement et en finir directement dans mes draps. Loin des gens. Loin des mains tendues. Loin de tout... Au moins, je reposerai en paix à l'heure qu'il est.

- La science... La science ne m'a jamais aidé par le passé... Ce n'est pas aujourd'hui que je vais m'en enticher... Les Dieux n'auraient pas dû se laisser battre par ça... Je m'en suis toujours remis aux Dieux... même le jour de ma mort... J'aurais dû rester mort... Pourquoi m'obliger à revenir, hein...? Je suis épuisé...

J'écoute toujours Alessandro qui m'annonce que je pourrais bien rencontrer ces Dieux que je chérissais auparavant. Est-ce que j'en ai envie ? Je ne saurais pas les reconnaître, surtout que visiblement, en arrivant ici, on ne réintègre pas son vrai corps. Je soupire tristement, tendant encore une oreille attentive à mon hôte.

- Peu importe qui je croise ou non... Je n'ai pas l'intention de m'éterniser ici...

Ses derniers mots m'interpellent. Des personnages inventés, vraiment ? J'ai lu quelques livres par le passé, j'ai toujours aimé plus ou moins lire les histoires, et s'il est vrai que des gens irréels prennent vie ici, alors il faut s'attendre à bien des démons. Raison de plus de rester prudent, de rentrer chez soi avant la nuit. Même depuis que je suis arrivé, j'ai lu quelques œuvres étranges, dont une au sujet d'un sorcier, visiblement, il serait connu dans le monde entier. Enfin bon, ce que j'en dis moi c'est que le créateur de cette ville, a des goûts douteux parfois... Je ne suis pas là pour juger autrui, mais donner son avis de temps en temps, ça ne casse pas trois pattes à un canard ! Je ne sais pas où j'ai entendu cet adage bizarre. Je prends mon menton entre mes doigts et réfléchis en marmonant.

- S'il est vrai que des créatures étranges prennent vie, il est sans doute possible qu'un canard puisse avoir trois pattes... ou même quatre ailes et des poils... Hm j'aimerais bien voir ça...

Je devrais peut-être noter mes impressions sur ce nouveau monde, ça pourrait m'aider à mieux l'appréhender. Peut-être que je m'y plairais à la longue...? C'est moins sûr ça... Je reporte mon attention sur Alessandro.

- Merci encore...

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

« Ils n'ont peut-être pas eu le choix. L'avez-vous eu de revenir vous ? »

Les reproches sont faciles quand on ne sait rien et si j'ai bien eu le choix final de revenir dans ce monde, je n'avais pas énormément de possibilité non plus. Ou j'errais pour l'éternité, ou je revenais ici... Choix pas vraiment cornélien. Le choix que j'avais n'en n'était pas vraiment un. Il semblait que pour lui non plus d'ailleurs au vue de ses paroles.

« Vous avez une chance, autant la saisir. Qui sait, cette nouvelle vie pourrait peut-être finir par vous plaire »

Je lui souris mais ses nouvelles paroles sont dures. Je n'ai pas l'impression qu'il ait une grande foi en l'avenir. Ni en quoi que ce soit d'ailleurs. A-t-il vraiment renié tous ses dieux ou n'est-ce que des paroles ? Je l'ignore. On dit bien des choses quand on est désabusé ou désespéré et je pense que dans son cas, il s'agit d'un peu des deux.

« Trois pattes à un carnard ? »

Je le regarde étrangement. Cette expression, je n'en ai jamais entendu parler. Sa réflexion à voix haute ne me semble avoir aucun sens.

« Comment vous sentez-vous ? »

Au vue de ses réflexions un peu plus tôt, j'ai bien peur que si je le laisse partir maintenant, qu'il ne revienne jamais non pas parce que l'aquarium ne lui aurait pas plu, mais simplement parce qu'il ne serait tout simplement plu. De ce que j'ai compris, il ne compte pas arpenter longtemps encore cette terre et la seule solution que je vois pour un humain de ne plus l'arpenter est d'être mort.

« Ne me remerciez pas et vivez, laissez-vous une chance »

Je lui ébouriffe les cheveux et me relève. Il ne m'a répondu à propos du taxi et j'ignore s'il vit loin d'ici ou non. A vrai dire je n'ai pas vraiment d'obligations aujourd'hui si ce n'est remplir de la paperasse mais je me vois mal quitter l'aquarium ainsi pour le raccompagner. Cela serait juste... étrange. Sans lui demander plus avant s'il souhaite un taxi, je lui indique que je vais téléphoner. Je sors alors un engin moderne de ma poche et cherchant surl'internet, je compose le numéro de la société de taxi de la ville. On m'indique qu'il sera là dans la demi-heure.

« Le taxi sera là dans une demi-heure, vous pouvez-vous lever ? On va vous trouver quelque chose pour mettre à vos pieds »

Je tends la main vers lui afin de l'aider à se relever. Physiquement, j'aurai fait tout ce que je pouvais pour lui. Pour son mental malheureusement, je n'avais pas vraiment eu le temps de creuser mais j'espérais qu'il laisserait au moins une chance à ce monde, même s'il n'y croyait pas vraiment, juste essayer serait déjà un grand pas.

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Invité

Selon lui, les Dieux n'ont pas eu d'autre choix que de nous abandonner ? Je croyais qu'un Dieu été tout puissant, qu'il n'avait besoin de l'accord de personne pour s'imposer. On nous aurait menti depuis tout ce temps ? Les Dieux ne seraient-il que des hommes de disant supérieurs aux autres ? Si c'est le cas, ils devraient avoir honte d'eux. Les hommes sont égaux et mortels, se prétendre être supérieurs à ses semblables, est immoral d'après moi.

Malgré nos échanges une question persiste dans mon esprit : pourquoi m'a t'on choisi avec d'autres pour revenir sur terre ? Je n'ai pourtant rien de spécial. Je ne suis pas un ancien Dieu. Je ne suis pas un homme important non-plus. Je suis juste un jeune adulte de dix-sept ans qui devait se marier prochainement avec l'amour de sa vie. Mon amour était réciproque et consenti par les deux familles, il n'y avait rien d'autre à faire en plus. Alors pourquoi ? Je souffle tristement, me rendant bien à l'évidence que jamais je n'aurais de réponse.

Il est temps pour moi de rentrer. Sortir était une mauvaise idée même si j'ai rencontré cet homme, Alessandro, qui s'est occupé de moi gentiment. Il a appelé un véhicule pour me ramener, je ne vais pas refuser. Je tente de me lever mais titube dangereusement, la chute est inévitable mais, au lieu de finir au sol une fois de plus, je me retrouve dans les bras de mon hôte. Je rougis fortement.

- Mes excuses... je suis encore aussi faible qu'un jeune faon... Je devrais peut être attendre encore un peu...

Je redresse la tête et le fixe. Je n'avais pas fait attention mais, Alessandro est très beau, il ressemblerait presque à mon ancien fiancé. Je sais que ce n'est pas lui évidemment. Mon cœur s'est un peu emballé, j'avoue ne pas comprendre ce qui se passe.

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

« Oh poppop doucement »

Je souris alors que je l'ai retenu de justesse. Le porter comme je l'ai fait pour venir ici alors qu'il est réveillé serait vraiment étrange alors je ne lui propose pas. Je me contente de rester debout, le retenant. Je ne fais pas confiance à ses jambes qui ne semblent pas pouvoir soutenir son poids.

« Vous pouvez peut-être vous appuyer à moi jusqu'à la boutique de la sortie. Vous pourrez attendre sur un banc, assis »

Il me semble un peu plus petit que moi alors que je l'ai contre moi. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas serré un autre être contre ma personne. Extrêmement longtemps. C'est une sensation bien étrange pour moi mais je ne dis rien et j'attends qu'il parvienne à me dire s'il se sent prêt à faire quelques pas.

« ça va aller ? Vou...voulez-vous que j'aille chercher une chaise à roulettes ? »

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Mes mains agrippent son vêtement alors que j'essaye de me redresser correctement. Il sent bon cet homme... Je me confonds en excuses puis le regarde mieux. Ouais, il est très attirant mais, non, il faut que j'oublie. Je ne peux pas me permettre un quelconque écart de conduite. Comme je l'ai dit, je n'ai pas l'intention de m'éterniser ici, ce n'est donc pas la peine de tisser de quelconques liens. Les liens apportent la plupart du temps, une énorme souffrance, pire, une forte dépendance à autrui, je ne veux pas de ça.

- Je préfère prendre appui sur vous... La chaise à roulettes me semble un peu trop excessive... Je ne suis pas une personne vieille. Et puis sait-on jamais, quelqu'un d'autre pourrait en avoir besoin...

Je tente un bref sourire avant de faire quelques pas avec l'aide d'Alessandro. J'ai juste besoin d'un peu de repos avant le grand final. Pas la peine d'en faire tout un monde. Les jeunes d'ici rentrent souvent tard à leur domicile respectif, dans de biens piteux états, autant faire comme si c'était mon cas, pour simplifier la chose.

- Il faudra que je vous rembourse... Je n'aime pas avoir de dettes... On m'a appris à régler ce que je devais depuis tout enfant. Quand je serais plus... comment dire...? Sobre ? Je viendrais vous rendre votre argent pour la nourriture, les chausses pieds et le véhicule.

On ne passera pas inaperçu sur le chemin mais bon, je pense que les gens ont d'autres choses à penser.

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Alessandro Thelxinoé & Hélios Caradja

« Elles sont là pour qui en a besoin, pas que pour les personnes vieilles »

Aussi faible qu'il était, c'était remarquable de penser à autrui. A moins qu'il ne s'agisse que d'une excuse pour ne pas paraître ridicule ou faible aux yeux des autres. Un peu plus tôt alors qu'il avait besoin d'aide, il avait refusé tout intérêt de ma part. Pour l'heure, il semblait m'accepter auprès de lui. C'était un homme plein de contradiction et il me poussait l'envie de le revoir, juste pour savoir quelle serait son évolution future. J'étais un Dieu curieux... J'avais toujours aimé observer les hommes...

« C'est inutile »

Accessoirement je me demandais comment il espérait me trouver. Se doutait-il que je travaillais ainsi ? Je ne lui avais rien dit mais je ne l'avais pas caché non plus. Il ne me l'avait simplement pas demandé.

« Essayez d'accepter de vivre votre nouvelle vie sera ma récompense. Je ne vous demande rien d'autre »

Le temps de midi est passé depuis un bon moment et alors que nous déambulons dans les installations, notre étrange équipage attire quelque peu l'attention mais rien de vraiment excessif non plus. Nous avançons lentement car je crains qu'il ne puisse tenir un rythme plus soutenu et lorsque nous arrivons enfin dans la boutique, je le laisse se poser sur un pouf carré non loin des baskets et des tongs à l'effigie de l'aquarium. Si les baskets n'ont ici que des tailles pour enfants, nous avons aussi des tailles pour adultes en ce qui concerne les tongs.

« Quelle est votre taille ? »

Le taxi risque d'arriver dans les cinq à dix prochaines minutes, nous n'avons pas des masses de temps mais je n'ose le presser ou le lui rappeler.

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Les regards se posent sur nous, je ne m'en inquiète pas pour autant. Il y a des tas et des tas de personnes différentes dans ce monde, je ne pense pas que nous soyons si exceptionnels que ça, les gens se détournent pour vaquer à leurs occupations, leur visite de cet endroit étrange. Alessandro ne veut pas que je le rembourse, il veut que j'accepte ma vie ici. Je ne peux rien promettre, je ne me sens pas à ma place, c'est comme ça.

- Je ne peux rien vous promettre... Je ferais de mon mieux...

Je ferais surtout comme je veux en fait. Si les gens sont déception quant à la possibilité que je disparaisse prochainement, tant pis. Je n'ai pas demandé à avoir des amis, des connaissances.

On arrive à la boutique de l'aquarium et je m'assoie sur un siège mou. Je regarde mes pieds, réfléchissant à ma taille. Il me semble avoir lu ça quelque part.

- Sur mes chaussures c'est marqué 39 donc je suppose que c'est 39. Je ne sais pas si ça fait de mes pieds, une chose normale mais bon...

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