On se ressemble sang pour sang

PSEUDO: Papa ; ÂGE: Canonique ; PRÉSENCE SUR LE FORUM : Argh/7j ; NIVEAU DE PUISSANCE (0 ou 1) : 1 ; UN DERNIER MOT ? Si ma prochaine femme a la tête de Céline Dion, je ris

Ma vie passée avait beaucoup du cliché de film, la lignée noble, le grand manoir, les fonctions illustres et la place à la Chambre des Lords. Sans oublier l'épouse effacée, le club de gentlemen et un goût prononcé pour les alcools vieux. Je la menais sans me poser de grandes questions existentielles mais je tiens à rétablir une vérité : je n'étais pas un monstre froid et orgueilleux. Je m'y connais aujourd'hui un peu plus en littérature moderne et je n'avais rien d'un Lucius Malfoy du XIXème. Ce point étant établi, je puis parler un peu plus de ma personne, de ma famille et de comment tout a volé en éclats.

Mon statut social et le métier que j'occupais n'ont aujourd'hui que peu d'importance mais à l'époque, ils constituaient une grande partie de ce que j'étais. Aîné et seul fils de la lignée MacArthur, je portais sans gêne ni douleur le poids d'un nom et d'une histoire illustres. J'épousais une femme de mon rang en entrant dans ma vingt-quatrième année, elle-même n'ayant pas encore soufflé ses dix-huit bougies. Monica, une femme douce, heureuse de pouvoir tenir la maison et rester tranquille sans avoir à trop paraître à des évènements mondains. Bien sûr, il fallait bien s'exhiber un peu mais je ne courais pas les soirées et je n'étais pas non plus de ces maris qui trompent leur épouse une fois la nuit de noces finie. Elle a rapidement donné naissance au fils sur lequel allait un jour pesé toutes les attentes, Elijah. Sans doute ma plus grande erreur mais je me dois d'expliciter ce que je viens de dire car je sens, je sais, que ça pourra être mal interprété.

J'aimais mon fils, quoi que l'on puisse en penser. Je n'ai pas été assez présent, assez attentif mais ça n'ôtait rien à mon amour. Ses premières années étaient normales pour l'époque, je le cajolais en rentrant de mes occupations, je demandais à mon épouse et à la bonne s'il grandissait bien, je lui parlais de choses et d'autres. Ce n'est que plus tard qu'il a commencé à se développer dans une autre direction que celle à laquelle je me serais attendu. J'ai d'abord considéré qu'il était normal que nos conversations ne soient que creuses, je ne le voyais que peu, il s'entendait mieux avec sa mère. Et petit à petit, nous sommes devenus de vagues connaissances l'un pour l'autre, parce qu'il cultivait son décalage et qu'il était plus facile pour moi de me servir de mon épouse comme intermédiaire entre nous.

Puis Monica est morte, dans un accident de fiacre comme il en arrive tous les jours ou presque, brutalement. On a raconté qu'elle était enceinte d'un autre enfant mais nous ne le saurons jamais et ça importe peu. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé seul avec cet étranger qui était de mon sang. Malgré toute mon éducation, le décès de ma femme a été un choc, violent. Je me souviens à peine des funérailles, de l'organisation. Je me souviens en revanche de ma mère qui, comme tant d'autres, déplorait que Monica soit partie en ne laissant derrière elle qu'Elijah, ce garçon trop différent qui ne saurait faire un bon héritier. Sans doute a t-elle parlé de Dieu en larmoyant, elle adorait ça, parler de Dieu et de sa volonté, de son courroux et de ses punitions. Ça et jouer les femmes tout sucre tout miel. Je n'y ai prêté qu'une attention distraite mais aujourd'hui, je sais que j'aurais dû me montrer plus ferme, faire taire les murmures parce qu'ils n'atteignaient pas que mes oreilles adultes mais aussi celles de mon fils. Tout cela pour dire qu'Elijah et moi nous sommes retrouvés seuls face à face et il n'y avait rien à se dire, rien à faire. La douleur du deuil, les responsabilités et la gêne m'ont fait dresser un mur entre moi et ce garçon étrange, aux goûts marginaux, à l'allure déconcertante. J'ai vaguement essayé de le découvrir, d'apprendre à le connaître et à le comprendre mais c'était peine perdue. Il était trop et je n'étais pas assez.

De peur que son petit-fils ne fasse une bêtise, de n'importe quelle sorte, ma mère a un jour décidé de nous payer une croisière sur un navire luxueux, arguant que quitter mes papiers pour renouer avec mon fils ne pourrait que nous faire du bien. Une autre excellente idée puisque le Titanic a coulé dans les eaux glacées de l'Arctique en 1912. Enfin...ça partait sans doute d'une bonne intention et personne n'aurait pu prévoir ce désastre. En l'espace de quelques heures, c'est toute notre vie qui a pris l'eau, sans mauvais jeu de mots. Le froid, les cris, la nuit nous enveloppant tous alors que nous ne comprenions pas encore tout à fait ce qui se passait. J'ai cherché Elijah, je vous le promet, je l'ai cherché de mon mieux mais en y repensant, il était sûrement dans des draps de troisième classe au moment de l'accident. Pour ma part, j'étais parmi les chanceux, poussé vers les premiers canots pour fuir le naufrage. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas connu les émeutes, les aristocrates et les puissants sont aussi les plus féroces, ils considèrent qu'ils ont plus à perdre. Mais à part une jambe cassée qui s'est par la suite mal ressoudée, je n'ai rien eu et j'ai pu quitter le Titanic avant que les choses n'empirent réellement. Je n'ai jamais revu mon fils et après deux années de recherches, j'ai fini par faire mon deuil. Il le fallait bien et, même s'il avait été en vie, il ne serait pas revenu auprès de moi.

La suite et fin de mon histoire sont plus calmes. Ma blessure et mon rang m'ont empêché de me joindre aux forces armées pendant la Grande guerre, j'ai donc encore une fois échappé à la mort grâce à mon statut mais je n'en ressentais pas beaucoup de joie. Je me suis chargée des affaires de la famille, j'ai mis de l'ordre, j'ai vécu sans sentiment jusqu'à ma mort en 1919, à la suite d'un mauvais rhume. Ainsi vécut et mourut Sir MacArthur, sans rien laisser derrière lui, rien d'important.

Il me semble que je suis arrivé à Mirapolis durant l'automne 2020, à moins que ce ne soit à la fin de l'été. C'est un peu flou et je dois bien avouer que les premiers temps ont été des plus complexes. Je ne venais pas d'un monde si éloigné de celui-ci, ni d'une époque si lointaine mais je crois que je n'étais pas prêt à revenir et à m'adapter à cette nouvelle existence. De ma famille, de mes possessions, il ne restait absolument rien, je devais tout recommencer à zéro. Heureusement, dans ces heures sombres où je ne savais où aller, une jeune femme m'a tendu la main et a pris le temps de me rassurer, de me guider pour que je m'intègre. Je ne lui en serai jamais assez reconnaissant.

Amélie était -car elle est aujourd'hui disparue- bien plus qu'un simple Reflet à mes yeux mais tout bonnement une compagne, une amie, une épouse comme je n'aurais jamais cru en trouver. Bien sûr, elle n'avait pas beaucoup de points communs avec ma première femme, courant partout et à toute heure pour distribuer le courrier dans Mirapolis. Elle avait des jambes...divines et un rire bruyant, je l'adorais. Nous marier était à la fois une évidence et une folie, seulement quelques mois après mon arrivée. Lorsqu'elle est tombée enceinte, j'ai senti pour la première fois que j'étais le plus chanceux des hommes, que je pouvais me reconstruire différemment, loin du joug des apparences, être un meilleur homme et un meilleur père. Altaïr est le plus beau cadeau que le destin pouvait me faire.

Au début de l'année 2021, alors que certains citoyens étaient frappés d'un mal bleu qui, heureusement, épargnait ma famille, Amélie a commencé à montrer des signes de confusion. Elle oubliait des courses, se mettait en colère ou disparaissait pendant des heures sans explication. Je suis vieux jeu et j'avoue que la savoir seule dehors, enceinte, ne me mettait pas à l'aise. J'ai réussi à la convaincre de prendre du repos, j'ai fait de mon mieux pour veiller sur elle et quand elle a donné naissance à notre fils, en août, j'ai cru qu'elle allait mieux. Jusqu'à ce qu'elle se jette dans une broyeuse à végétaux. Comme ça, l'air de rien, en parlant de ce qu'elle allait manger à midi, elle a grimpé dans la broyeuse. Je n'étais pas là, heureusement, j'étais à la maison avec Altaïr. Imaginez le choc, l'horreur... Nous l'avons enterrée un matin de novembre, du moins ce qu'il restait d'elle.

Comme vous pouvez le deviner, je suis maintenant veuf et j'élève mon fils, je lui consacre toute ma vie même si je dois bien travailler. Je n'ai pas l'intention de faire la même erreur, de me noyer dans le travail pour oublier. Il passe avant tout le reste. J'espère cependant pouvoir lui offrir une vie sans nuages, rien que pour qu'il continue de me sourire avec insouciance.