||•Goguryeo, bordure Baekje▬ 15 mars 574 de notre ère.
Il n’y avait pas de lune, cette nuit là.
C’était toujours mauvais signe. Cette noirceur profitait toujours à l’ennemi. Cette certitude , mettait la totalité du camp militaire sur ses gardes. L’air était chargé d’électricité, de tension et quelque part aussi , de l’odeur de la mort. Après toutes ces semaines sur le champs de bataille , à dormir et à vivre au milieu des charniers léchés par le soleil ...l’air ne sentait plus le fer, ne sentait plus la poussière, non...ça puait jusqu’au ciel et l’odeur nauséabonde de putréfaction imprégnait tout ce qui vivait et les humains aussi. Ceux qui pourtant bougeaient encore, finissaient par empester la mort. Et peut-être qu’ils l’étaient eux aussi : morts. Peut-être qu’ils l’étaient tous mais qu’ils ne s’en étaient pas encore rendu compte.
Sa main se serrait compulsivement autour de la garde de sa nouvelle épée. Elle ne lui était pas familière. Pas du tout et laissait sur sa paume une sensation désagréable de légèreté. Une épée devait être lourde. Elle portait sur sa lame toutes les vies qu’elle pouvait prendre, qu’elle avait prise, elle devait peser assez pour rappeler que ce n’était pas quelque chose de facile. N’est-ce pas ? La sienne avait été une de celles là. Son anneau de garde était orné d’une lune. « Dal. » comme son nom à lui. Comme ce qui manquait cruellement à ce ciel de mars. Elle avait été forgée à Nangnang et il l’avait héritée de son père, qui l’avait hérité du sien, c’était la seule chose que la misère n’avait jamais réussi à lui enlever, la seule chose que sa mère n’avait jamais accepté de vendre et quand il avait quitté la mendicité pour entrer dans l’armée, c’était la seule chose qu’On Dal avait emmené avec lui. Pendant les 6 dernières années elle avait été son compagnon le plus fidèle, elle avait encaissé tant et tant de coups, tranché dans de chairs, bu tellement de sang ...il avait perdu le compte. La seule chose qui était certaine, c’est qu’elle avait été son ancre dans la réalité.
Quand elle avait été brisée quatre jours plus tôt , alors qu’ils se repliaient pour établir ce camp, il avait manqué de perdre pied et , en avait conservé les morceaux. Le général , avait semblé un peu perplexe pas son geste mais il l’avait enterrée, par très loin de sa tente. Aussi étrange que cela puisse paraître : elle avait été une vielle amie.
La plaine était calme.
Si calme.
Trop calme peut-être, ça ne semblait plus réel que cette paix après toutes ces années de déchirures. Doutes ces années de fracas incessants. Finissant d’admirer l’obscurité et de savourer ce silence qui avait des saveurs de fin du monde, il avait fait demi tour et était retourné sous le tissus pour chercher son lit.
On Dal ne l’avait jamais atteint.
Elle se trouvait là,nue au centre de cette dernière, sa peau était trop claire pour que ce ne soit pas inquiétant et ses yeux noirs luisaient dans la nuit qu’ils semblaient aspirer. À quel point étaient -ils sobre pour se détacher dans l’obscurité ? Il avait voulu crier, alerter ses supérieurs ou les soldats mais sa voix n’avait jamais réussi à trouver son chemin jusqu’à ses lèvres, comme si l’atmosphère était devenu trop épaisse et qu’elle comprimait son corps, sa cage thoracique et qu’elle paralysait ses pensées et ses réflexes.
Ses yeux s’étaient attardés sur cette étrange apparition et entre ses seins , il avait observé l’étrange marque , sur son sternum, comme marquée au fer rouge : le dessin d’un croissant de lune. D’une façon ou d’une autre il avait réussi à obtenir une pensée cohérente et attrapé dans les rares affaires qu’il possédait une veste de Hanbok et la lui avait tendu. Sombre, souillée de sang séché et de terre , pourtant
Elle n’avait pas fait de manière et sans un mot elle l’avait attrapé et l’avait enfilé. Ses yeux non plus ne le quittaient pas.
«
Qui es-tu?
– La question que tu te pose ...est-ce que ce n’est pas « qu’est-ce que » je suis? »
un silence entre eux.
Une part de lui savait. L’autre , celle qui était immanquablement rationnelle , refusait de l’accepter. Ces choses n’étaient que des comptes, des légendes pour enfant.
«
l’épée que …
– C’est ce que j’étais. Ce que je suis maintenant …?
– Dokkaebi ...un Gobelin. »
Elle avait étiré un étrange sourire tordu alors qu’elle penchait la tête pour le regarder. Un étrange éclat métallique avait éclairé son regard trop noir. Un Gobelin. Une entité auto-créatrice qui avait émergé d’un objet inanimé. Et elle ...était plus que certainement née de cette épée brisée. La lune sur sa peau en était une confirmation.
«
Ta bénédiction. On Dal. Je suis ta bénédiction. »
bien sur qu’elle pensait l’être.
Détaillant son habillement à lui , elle avait fait une étrange grimace, une moue contrariée et fouillant à un endroit ou il n’y avait rien de rangé , elle avait fini par mettre la main sur un ensemble de vêtements militaires, qu’elle avait enfilé.
Un rire lui avait échappé.
«
Je suppose que quelqu’un se réveillera nu, demain matin. N’est-ce pas ?...tu as toujours été bon avec moi. On Dal. Jette cette épée, je serai la tienne quelques années encore et si tu le veux, je t’offrirai le monde. »
Mais On Dal ne voulait pas le monde.
Il ne l’avait jamais voulu et il savait : il y avait un prix pour toute chose. Et un Gobelin n’était bon , que tant que celui qui lui faisait face l’était. Autrement , il devenait une malédiction dont on ne se débarrassait jamais réellement.
||•Goguryeo, Nangnang (actuelle Pyongyang)▬ Janvier 584 de notre ère.
«
Regarde toi, pourquoi est-ce que tu as l’air aussi surpris ? Je t’avais dit , Dal. Je t’avais dit que je te donnerai le monde. »
Elle le lui avait dit , oui.
Mais il n’avait jamais espéré que cela se produise. Cela faisait dix ans qu’elle était entrée dans ce monde. Il avait essayé, comme il avait pu de lui apprendre ce que c’était que l’humanité. Parce qu’elle était une nouvelle née , après tout. Même si elle avait été mise au monde par le Ciel , comme un Dokkaebi, elle était nouvelle à toutes ces choses, il avait envie de croire qu’elle pourrais peut-être devenir une bonne personne.
Droite.
Juste.
Simple.
Comme la lame de l’épée qu’elle avait été.
Mais
Elle était cruelle de nature, trompeuse , tricheuse. Elle avait bâti sa gloire à lui , en utilisant tout ce qu’elle savait de la mauvaiseté apportant le malheur partout elle passait et construisant sur ce malheur sa grande fortune. Son grand talent. En deux ans elle l’avait fait passer d’un simple capitaine ( ce qui était sans doutes le plus haut grade qu’un ancien mendiant issu de la caste la plus pauvre de la société pouvait espéré) au rang de Général.
Un honneur.
Pire elle avait fait de lui un héro. Et le Roi avait posé les yeux sur lui. Bien sur qu’il l’avait fait. Comment aurait-il pu faire autrement alors qu’il avait réussi à faire reculer Baekje et Silla ? Comment aurait-il pu faire autrement quand au lieu de seulement garder les frontières, il avait fait gagner à leur royaume : du terrain ?
Il lui avait été donné un titre, dans un premier temps et comme son travail ne cessait d’être admirable , il avait été rappelé à la capitale , invité au palais , invité à parler stratégie militaire et enfin ...un jour quelques mois auparavant, il lui avait été donné la main de la Princesse Pyeonggang. La ou il avait commencé à comprendre que tout était en train de lui échapper c’était encore quand il avait réalisé que la princesse elle même avait décidé de l’épouser lui, au lieu d’un autre. Plus noble plus riche…
«
Qu’est-ce que tu as fait … ?
– Tu n’a pas besoin de le savoir , Ondal. Considère que c’est le dernier cadeau que je te fais. Ta grande bénédiction s’arrête ici , alors que tu deviens le beau-fils du roi. Et tu sera aimé.
– Pourquoi ?
– Parce que tu es doué. Tu pense que tu n’a plus besoin de moi ...alors soit. Je vais te laisser désormais. Ceci est un ..cadeau d’Adieu. »
Et On Dal sus.
Il sus qu’il avait causé sa perte et sans doutes celle de son empire.
||• Goryeo, Gaegyong.▬ octobre1270
Le temps avait passé.
Les rois s’était succédé, les royaume aussi ...c’était une histoire vieille comme le monde. On Dal était mort depuis longtemps et sa femme aussi et sa lignée toute entière. En 590 , abattu par les hommes de Silla. Il n’aurai pas du repousser sa main. Il n’aurai jamais du penser qu’il pouvait avancer sans elle et sans doutes aussi qu’il aurai du connaître ses propres limites. Il n’aurai jamais du attendre d’elle qu’elle devienne autre chose que ce qu’elle était.
Jamais.
Elle avait appris à se faire une place dans le monde des humains , pour cela , elle avait pris un nom. On Dal l’avait appelée « Wol* » et elle avait voulu s’en débarrasser. Wol était humaine dans les yeux de cet homme et elle ne l’était pas. C’était la raison pour laquelle elle avait commencé à se faire nommer Do Hwan. Elle avait investi dans les maisons de thé et les compagnies de Gisaeng et plus naturellement encore dans le commerce de sa soie avec les mongols qui en dépit des tentatives désespérés des Rois successifs et des paysans de Goryeo qui tentaient de les faire reculer du territoire, y avaient établit leur règne, leur tutelle.
La guerre avait été terrible , le pays ravagé et naturellement , la famille royale prise en otage et maintenue à Yuan, laissant cette terre dévastée sous les ordres d’une poignée d’émissaire. Les habitants du royaume réclamaient le retour de leur Roi , mais la peur , la famine et la fatigue les tenait a la gorge.
C’était dans ce contexte qu’Il était venu à sa rencontre. Entrant dans cette maison de Gisaeng qu’elle dirigeait. Do Hwan n’était pas certaine de ce qu’il savait à son sujet , de ce qu’il pouvait soupçonner mais sa longévité, sa jeunesse anormale, sa richesse insensée pour une femme à qui on ne connaissait ni famille ni amant était quelque chose qui avait tendance à mettre en panique la plupart des gens du voisinage. Les chamanes des alentours aussi. Elle ? Elle trouvait cela hilarant. Ce qui était certain c’était encore que les gens qui avaient besoin d’elle savaient toujours la trouver.
Trois marchands venu de Yuan qui avaient tenté d’imposer leur loi dans ce quartier de capitale avaient fait faillite et deux d’entre eux avaient fini par trouver la mort dans des circonstances particulièrement étrange. C’était sans doutes pour ces faits qu’on lui imputait qu’on la laissait en paix ; aussi dérangeante et inquiétante qu’elle était , il semblait assez claire qu’elle protégeait les gens de Goryeo.
Il était donc venu.
«
Je suis le Général C-... »
Elle l’avait interrompu d’un geste agacé de la main , accompagné d’une moue presque dégoûtée.
«
Ne te fatigue pas. Je n’ai pas l’intention de retenir ton nom. »
Fumant sa pipe longue elle avait écouté ses jérémiades sur la nécessité qu’il y avait pour quelqu’un comme elle à venir en aide au Royaume. Combien elle serai récompensée pour ses actions. Oh, ça ? Elle n’en doutait pas ,elle s’assurait toujours d’être payée. Mais de toutes les raisons pour lesquelles ont était venue la trouver assumer que c’était parce qu’elle avait été « général » dans une autre vie , c’était sans doutes la plus amusante qu’elle avait jamais entendue. Elle avait porté son attention sur l’épée qu’il avait apporté pour elle sans se douter sans doutes de ce qu’elle pouvait être réellement.
Elle ne ressemblait en rien cependant à ce qui était produit désormais en matière d’armement.
«
Tu sais ce qui est amusant ? Le Roi que tu veux ramener dans ce pays ...est né chez les Yuan ..il à été élevé dans leurs palais , à mangé leur nourriture épousé leurs filles, il parle leur langue ..comme tous les descendants qu’il aura… Si c’est un Roi que tu veux , pourquoi est-ce que TU ne deviendrai pas ce Roi là .. ? Un nom de soldat ne m’intéresse pas, mais le nom d’un Roi ...je pourrais le retenir . »
il n’avait pas ri.
Du tout.
Elle ne comprenait pas comment cela pouvait être encore un tabou de rire sur ces choses là dans un pays sans roi depuis des années.
«
Vous êtes folle ?
– Tu pense que je le suis ? Est-ce que la personne qui est venue ici, pour supplier et qui ose m’insulter sans savoir quel genre de créature elle à en face d’elle ..n’est pas celle qui devrai être considéré comme « folle? »
Elle avait pu voir le frisson secouer son échine et la chair de poule se lever dans son cou. Saisissant l’épée qu’il lui avait offerte elle l’avait pointée sur lui , la laissant frotter sa peau comme pour en vérifier le tranchant. Elle fut visiblement satisfaite de le voir perdre toutes ses couleurs alors qu’une simple goûte écarlate glissait le long de la lame.
«
Eh bien ce sera intéressant. C’est ce que tu veux n’est-ce pas ? Le retour de la famille Royale. N’ose jamais te plaindre en suite. Et porte la responsabilité de ce désir. »
Do Hwan avait étiré un sourire tordu et il n’avait pas aimé cela.
Du tout.
Plus tard cette année là , la famille Royale de Goryeo avait fait son grand retour à la cour de Gaegyong. Salie. Humiliée et forcée d’accepter des Mongols tout ce qui feraient la ruine de leur dynastie.
Un pouvoir de façade , puisque la Loi était faite et défaite par les envoyé de Yuan qui pouvaient détrôner le Roi a tout instant. Roi dont le seau disait que l’Edit énonçait était approuvé par le grand Khan.
Institution de colonie, interdiction de porter à la cours les vêtements traditionnels,
obligation d’envoyer les jeunes femmes du pays pour devenir Servantes à Khanbalik ****
Et les taxes qui s’amoncelaient… et partout pauvreté, misère et désolation.
Il avait regretté.
Do Hwan avait rit.
Beaucoup.
||Daehan Jeguk ▬ printemps 1899.
Combien d’années , combien de siècles s’étaient écoulés depuis sa naissance ? Do Hwan n’en était plus certaine. Elle avait perdu le fil du temps , n’était plus tout à fait certaine de quand s’était arrêté l’empire de Goryeo , quand il avait laissé place au Royaume Ermite de Joseon….et quand cette dynastie encore s’était éteinte.
Joseon...avait été assez similaire à son aîné. Lourds tributs payés à la Mandchourie et des guerres interminable contre les tribu nomades qui pourtant vivaient la depuis aussi longtemps qu’elle vivait sur cette terre. Tous les Royaume qu’elle avait connu avaient mené cette lutte , ce désir d’assimiler de tout unifier sous une seule culture, ce qui était assez ironique quand on pensait combien ils avaient été réticents à céder leur culture face à celle que les Yuan avaient tenté de leur imposer. Comment des gens qui s’étaient battu pour le seul désir d’exister pouvaient reprocher ce même désir à d’autres peuples ?
Si elle ne les comprenait toujours pas , elle était devenue meilleure pour les imiter. Vraiment meilleure et de reste comme elle n’attendait rien de particulier de leur existence, elle coulait juste avec eux parce qu’elle n’avait pas d’autre choix.
Quelque part , la lassitude avait commencé à se saisir d’elle.
L’Empire de Corée ?
Elle avait presque envie de rire. Il était destiné à l’échec. Comme tous les autres. Parce que tout ce que les Humains construisaient était voué à l’échec il étaient trop ..éphémère pour cela. Trop facilement manipulable aussi. Il n’y avait qu’à observer la situation politique autour d’eux pour réaliser le mal que l’ostracisme dans lequel ils avaient vécu pendant les trois cent dernières années leur avait fait beaucoup de tors.
Tout avait changé, sauf eux.
Et bientôt tous se mettraient à changer.
Sauf elle.
Elle continuait de veiller sur ceux qui étaient bon ; continuant de leur offrir les bénédiction que les Cieux leur avait refusés pendant leurs vies précédentes cependant qu’elle punissait ceux qui ne l’étaient pas.
Pour le reste ...elle continuait à se jouer des désirs les plus intimes et les plus furieux des Humains. Elle vivait de leur égoïsme, de leur narcissisme et aussi sans doutes de leur bonté et de leur générosité.
Sans doutes.
5 ans après ce printemps le Japon établirait son protectorat sur l’Empire de Corée, l’envahirai en 1910 et y instaurerai une institution d’esclavage des plus sauvages, brutales, une de ces choses honteuse que l’histoire essayait toujours d’oublier.
Ensuite il y aurai deux autres guerres et la séparation des deux Corées.
Sa terre natale de nouveau isolée de tout le reste du monde.
Mais OnDal n’était plus et elle était sourde à toutes ces choses.
||•Bucheon, Corée du Sud ▬ été 2008.
«
Aujourd’hui est un jour de grande malchance ...il y à un Dokkaebi dans un café. Ou va le monde ?
– C’est un Jongseung Saja² qui dit cela ? De nous deux c’est toi qui est sensé emmener les humains dans un autre endroit. »
– [i]N’empêche qu’ils me détestent moins que toi. »
Son regard s’était levé et elle avait sondé du regard l’étrange être vêtu d’un Hanbok noir qui lui faisait face. Ce monde n’avait plus aucun sens. Vraiment plus aucun , mais elle ne pensait pas que ce soit réellement son problème. Portant à ses lèvres sa tasse elle s’était contentée de regarder la vie qui grouillait derrière la vitre de la boutique. Elle qui s’était plainte des guerres qui n’en finissait pas , se trouvait aujourd’hui à les regretter. La vie était bien trop monotone dans un pays en paix. Et bien il existait bien ce conflit entre les deux Corée mais elle n’avait encore jamais trouvé de raison de s’en mêler et n’avait jamais été appelée à le faire. Mais dans l’ensemble ...on était bien loin des épiques campagnes qui avaient vu sa jeunesse.
Cela faisait longtemps aussi que de nouveaux Dokkaebi n’étaient pas venu au monde. Avec la technologie et l’ouverture sur le monde , la surconsommation , les objets étaient devenu des choses périssables , on y accordait pas assez d’affection et ils n’existaient plus jamais assez longtemps pour renaître ..pour obtenir une âme.
Do Hwan avait été aimée.
Elle avait été forgée avec passion ,elle avait été lustrée, polie, exposée, entretenue avec affection par des générations de guerriers….c’était la raison pour laquelle elle avait pu entrer dans ce monde.
Si ce n’était pas pour les quelques fois ou elle croisait les Faucheurs , elle se sentait de plus en plus seule.
Isolée.
Perdue.
Elle avait beaucoup de contact avec des humains , diverses entreprises, des terrains dans tous le pays, des choses qu’elle avait acquis avec les années, les siècles ...au cours de ce long , très long millénaire qui avait été son existence...Mais toutes ces choses ne pouvaient pas faire taire l’ennui que représentait le fait d’être presque la dernière de son genre à marcher sur cette terre.
C’était bien moins exaltant.
☼•☼
Il n’y avait pas de Lune cette nuit là.
Mais ce n’était ce qu’il y avait de plus inquiétant. La ville était silencieuse, l’air étouffant de l’été comprimait sa poitrine et il semblait qu’il n’y avait plus aucune lumière aux alentours. Ni celles de la voiture qui venaient de le percuter, ni celles des enseignes, pas plus que celle des lampadaires. La seule chose qui lui laissait croire qu’elle était encore en ville c’était la sensation étrangement glacée du goudron sur sa peau. Elle ne ressentait rien d’autre que cette rugosité et ce froid , ni peur , ni douleur.
Comme si cet instant avait été suspendu dans le temps et qu’il s’étirait ,encore et toujours.
Enfin,
Elle était apparue dans son champ de vision. C’était même étrange qu’elle soit si claire dans cette obscurité abrutissante. Comme si la lumière émanait d’elle. Ses cheveux étaient longs comme l’hiver et la noirceur de ses cheveux , comme celle de ses prunelles était si profonde et intense qu’elle se détachait de la Nuit.
Accroupie a coté d’elle , silencieuse et pâle, elle semblait détachée de tout, détachée du monde , de la nuit , du calme de la rue, comme détachée de la Vie elle même.
«
Vous êtes ...un fantôme ?
– Non. Je ne suis pas morte. Cela dit , je ne suis pas ...vivante non plus. On dois être mortel pour être « en vie », n’est-ce pas?
– Jongseung Saj-
– Non plus. Il ne viendra pas. Tu n’es pas encore morte , toi non plus. »
Elle avait étiré un étrange sourire.
Pour une raison ou une autre il avait quelque chose de rassurant. Ses yeux brillaient d’une étrange tendresse. Elle avait tendu une mains vers elle et dans un geste qui n’avait aucun sens à cet instant mais qui avait déclenché une douleur inimaginable dans le corps de l’accidentée, enfoncé un ongle taillé comme une griffe de fauve dans son plexus solaire.
Avec cette douleur la chaleur était revenue , puis était venu la lumière et enfin , lentement mais intensément le brouhaha de la rue.
«
Il y à très longtemps ...dans une autre vie tu as fait quelque chose de grand pour moi ...je te le rend aujourd’hui puisque je sais ...que tu ...fera de grandes choses. Tu as toujours été appelée à un grand destin. »
Personne d’autre ne semblait La voir.
Lentement elle s’était redressée et les secours étaient arrivés et elle semblait avoir disparu dans la foule. Disparue de tout. Comme si elle n’avait jamais été qu’un mirage.
Hwan.
Bien sur quelqu’un paierai pour cette vie sauvée.
Il y avait toujours un prix.
Toujours.
Mais le Gobelin ne se souciait jamais de cela.
Toute son existence n’était qu’un caprice.
Rien d’autre.
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*
Littéralement 월 signifie un « mois » a notre époque mais ici on parle d’un Hanja tiré du sinnograme pour la Lune. Un clin d’oeil au nom de « dal » (Lune) et à la marque sur la peau de Haneul.
*** Haneul – viens de « Haneul-nim » dans la mythologique shamanique Coréenne Haneul-nim est le « Roi des cieux » « la plus haute déité » du folklore. Ici Haneul « le ciel. »
**** Shin - ici s’écrit dans le sens « nouveau » donc littéralement Haneul se fait appeler « Nouvelle grande Déité » ou « Nouveaux Cieux. » Très arrogant n’est-ce pas ?
***** Khanbalik – actuelle Pékin, à cette époque capitale du Khaganat de Kubilai Khan ( petit fils de Ghengis Khan), à cette époque presque toute l’Asie est sous domination Mongole.
Jongseung Saja² - litt "Messager de l'au-delà". Si on devais faire un rapprochement , on pourrais dire qu'il est un homologue du Shinigami japonais ou du "Faucheur" occidental. c'est un passeur d'ame.