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Oublies ton chagrin, surtout ne crains rien. Je prends en main ton destin. Lorsque le danger te menacera, je serai là avec toi

La pluie qui tape contre le carreau se marie bien avec le roman que je suis en train de lire, installée dans un fauteuil en attendant que le sommeil vienne me prendre. Cela m’arrive de temps à autre, je me réveille après quelques heures et je dois patienter en attendant que Morphée tourne les yeux vers moi. Je glousse en tournant les pages, Judy Garwood a vraiment une façon très agréable d’écrire, je pourrais dévorer toutes ses œuvres inlassablement.

Un bruit attire mon attention et je tourne la tête vers la porte, il m’a bien semblé entendre quelque chose mais à cette heure, ce n’est probablement que mon imagination. Ou un chien errant peut-être. Dans le doute et comme je n’ai jamais eu peur d’être agressée, je me lève et traverse le salon pour aller ouvrir, n’ayant pour seule arme que…rien en fait, j’ai mon pyjama, un plaid et c’est tout. Roulé en boule sur mon paillasson, un bien étrange panda est -me semble- en train de dormir. Voilà une bien étrange livraison et à une heure si tardive…

Hey…vous voulez entrer vous réchauffer un peu ?

Qui que ce soit, il n’est pas bon de rester sous la pluie alors autant éviter de retrouver cette personne demain à l’hôpital parce qu’elle sera tombée en hypothermie. Je prends doucement le bras de l’inconnu qui, à la réflexion, me semble légèrement familier. Sous la capuche, je reconnais le nez fin, les mèches très claires et je suis d’autant plus surprise quoique ravie de le voir.

Hélios ? Qu’est-ce que tu fais là en pleine nuit ? Viens, entre, je vais te préparer un truc, tu dois être gelé.

Sans lui laisser le temps de répondre, je le tire à l’intérieur et referme la porte, lui tendant ma couverture pour qu’il s’en enveloppe le temps que je prépare un chocolat chaud ou que je mette ses vêtements à sécher s’il en a envie.

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Le pauvre petit semble frigorifié et je me demande bien ce qu'il fait ici à une heure si avancée, impossible de ne pas s'inquiéter. Evidemment, je ne vais pas l'assaillir de questions, du moins je vais faire de mon mieux, il vaut mieux le laisser parler à son rythme. Avant toute chose, le réchauffer.

Je… je cherchais un endroit… je… je sais pas… je suis fatigué…

Il retire ses vêtements que je récupère soigneusement pour les mettre au sèche-linge, ils seront tout chauds quand il voudra les remettre. Pendant que je prépare le chocolat chaud, je vois sa silhouette se cacher sous la couverture pour obtenir de la chaleur, il se fait tout petit et je me demande même s'il ne tremble pas un peu. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Tu ne me déranges pas, Hélios. Jamais.

La tasse fumante dans la main, je dépose mon offrande sur la petite table avant de m'installer en penchant la tête sur le côté, essayant d'apercevoir le visage du jeune homme pour déterminer s'il est blessé. Sous des dehors calmes, je commence à avoir peur et j'aimerais bien qu'il m'en dise plus, que je sache au moins si je dois le conduire à l'hôpital. En attendant qu'il reprenne ses esprits, je récupère mon tricot pour m'occuper silencieusement et lui laisser le temps de trouver ses mots, de choisir quand me dire ce qu'il fait là. Au besoin, je peux juste être là pour lui fournir du chocolat et des câlins, c'est tout aussi bien.

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Le jeune homme semble prendre une décision et fait glisser la couverture, dévoilant ses cheveux clairs et deux oreilles poilues qui me semblent plus félines qu'humaines. J'ouvre la bouche en un "oh" muet et surpris mais ne dit rien, réfléchissant rapidement à cette découverte. Le pauvre doit être terrifié... Avant toute chose, je dois lui montrer que tout va bien, que je ne vais pas me moquer de lui ou le juger. Efface l'étonnement de tes traits, Arwen, ce garçon a besoin de toi.

Je ne savais plus où aller… on m’a couru après… on m’a frappé… on m’a insulté… je ne savais plus quoi faire… alors j’ai fui… j’ai fui tout le monde…

Il pleure tout en parlant, je vois ses lèvres trembler légèrement lorsqu'il ne boit pas. Ses oreilles bougent au gré de ses émotions et maintenant que je regarde plus attentivement, ses ongles me semblent plus pointus qu'avant, griffant parfois le mug lorsqu'il bouge ses mains. Il me raconte alors que ses joues ruissellent une histoire de sucre, un bête incident qui a eu des conséquences aussi étranges que douloureuses. J'imagine à peine sa panique et sa détresse, il est désemparé. Sans réfléchir, je m'approche de lui et me mets à genoux devant le fauteuil pour être à sa hauteur, tendant la main pour la poser doucement sur la sienne pour la caresser du bout du pouce.

Mon chéri...on va réfléchir ensemble, ça va s'arranger. Ta vie n'est pas fichue, elle est simplement...bouleversée. Pour le moment, on ne sait pas vraiment ce qui s'est passé mais ça va peut-être disparaître et dans le cas contraire...ça ne fait pas de toi un monstre. Ca va aller.

Je lui souris en le regardant dans les yeux, cherchant les bons mots sans les trouver. Il n'est pas mon fils et pourtant, je le sens comme une partie de ma chair, j'aimerais lui dire que tout ira bien, qu'il est merveilleux comme il est, que cette douleur passera... Je ne le trouve pas difforme ou grotesque, il est juste lui, un jeune homme fantastique mais apeuré. J'écarte légèrement les bras sans pour autant lui forcer la main, lui parlant doucement en espérant l'apaiser un peu.

Tu veux un câlin ?

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Le jeune homme ne met pas longtemps à se réfugier dans ses bras pour pleurer tout son saoul, il en a besoin. Je le serre contre mon cœur en caressant son dos, ses cheveux, veillant à ne pas trop m'approcher de ses oreilles car je ne sais pas si elles lui font mal et de toute façon, ce doit être très personnel. De le sentir si désemparé m'arrache le coeur et je ne réfléchis à me montrer trop familière, c'est un garçon qui va mal, mon garçon. Je me demande ce qui a pu causer cela mais aussi si son état est...stable ou s'il risque de se changer peu à peu en félin.

L'orage gronde au dehors et Hélios sursaute comme si on venait de le frapper, les oreilles dressées et le visage crispé de douleur. Mince, ce sont de nouvelles sensations qu'il doit apprivoiser… Je m'écarte légèrement de lui pour aller fermer les volets, les rideaux, nous isolant comme je peux des bruits extérieurs. Tout ce qui me vient pour atténuer un peu plus les sons, c'est de donner du coton au jeune homme pour qu'il bouche ses oreilles comme un héros que ma tante connu jadis. Doucement, je prends un mouchoir pour essuyer les joues humides de l'étudiant, lui souriant gentiment.

Ca fait un gros changement...mais tu vas t'habituer. Tu es courageux, intelligent, ça ne t'empêchera pas de vivre ta vie. On a connu plus bizarre dans cette ville. Et je te rassure, tu es toujours un très beau jeune homme.

Dis-moi ce que je peux faire pour t'aider, mon chéri, et je le ferai sans hésiter. En attendant, prends ton temps, va à ton rythme...

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Hélios met le coton dans ses oreilles et semble se détendre très légèrement, j'essaie de ne pas trop m'attarder sur ses canines longues, sur la fourrure duveteuse de ses attributs félins qui appellent pourtant les caresses. A la place, je le laisse revenir dans mes bras et je le câline longuement, surprenant un mouvement étrange dans le bas de son dos. J'en saurai probablement plus prochainement. Pour l'heure, je le serre contre mon coeur et le laisse se réchauffer à son aise.

Je suis une bizarrerie de plus... Le créateur de ce lieu doit bien rire... Mais ce genre de plaisanterie... c'est excessif... Si je ne me cache pas, on me coure après... Il y a même un enfant qui a demandé à sa mère si... s'il pouvait me prendre comme chat... Je ne suis pas un animal... je suis humain...

N'ayant pas vraiment les bons mots, je me contente de hocher la tête en le serrant un peu plus, glissant mes doigts dans ses cheveux pour les caresser comme un petit enfant. Je peux sentir sa peur, sa peine, sa colère aussi, il est bouleversé et toute cette situation est injuste. Il a bien assez souffert, d'autant plus qu'il a vécu des périodes sombres et que je sais les efforts qu'il déploie pour s'occuper de lui, pour ne pas sombrer dans les ténèbres. Il est très courageux et j'espère simplement que les choses vont se calmer autour de lui. Il mérite d'être heureux et d'avoir enfin la paix ou je vous jure que je vais botter les fesses du Suprême moi-même !

Reste autant que tu veux, Hélios. Tu es chez toi.

Je le presse une dernière fois dans mes bras avant de me reculer légèrement, émue mais gardant le sourire.

Je vais te préparer ton lit, tu dois être exténué.

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J'ai beau vivre seule, ma maison est toujours prête à accueillir des invités : entre la chambre d'amis et le canapé qui se déplie, je pourrais recevoir du monde sans être dérangée. Après avoir déposé un rapide baiser sur le front de Hélios, je me lève pour aller chercher des couvertures, des taies d'oreiller pour le lit qu'il occupera pour cette nuit et peut-être les suivantes en fonction de ce qu'il souhaite faire. Une partie de moi est heureuse d'avoir de la compagnie, je regrette simplement que nous passions du temps ensemble dans ces circonstances et non pour des raisons plus joyeuses.

Dans la grande collection de taies d'oreillers que j'ai, je repousse toutes celles avec des chats ou en rapport avec les animaux, privilégiant quelque chose de plus neutre. Raiponce, ce sera très bien. A moins qu'il ne soit du genre à aimer les Pokémons...Dans le doute, je prends les deux sans me soucier du caractère enfantin de la literie. Les dessins-animés sont une source de réconfort, na.

Tu vas pouvoir te reposer si tu veux. Ma chambre est juste en face si besoin.

Je reviens auprès de mon protégé sans prêter grande attention à sa quasi nudité sous la couverture. Comme ses vêtements ne sont pas encore secs, il devra prendre un des pyjamas dans le placard mais ils seront tout chauds pour demain matin. Le regard du jeune homme est perdu dans le vide et je me réinstalle dans mon fauteuil pour reprendre mon tricot, le laissant digérer tout cela à son rythme. La pièce redevient silencieuse, le calme étant uniquement brisé par le tonnerre au loin et le léger cliquetis de mes aiguilles ainsi que le frottement de la pelote que je tire de temps à autre mais j'essaie de rester discrète. Je me demande si Mathilde aurait une solution pour mon petit, peut-être un sortilège ou une potion. Quoique je ne prendrais pas le risque de l'exposer à un échec, il a déjà subi beaucoup.

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Le calme s'installe dans la pièce et je sombre à mon tour dans mes pensées tout en continuant mon ouvrage. Je sais, techniquement, confectionner toutes sortes de vêtements (bonnets, gilets, robe...) en laine mais comme je n'ai personne à qui les offrir, j'ai tendance à ne faire que des écharpes. C'est donc avec un certain amusement que je pense au tiroir rempli d'écharpes colorés qui va bientôt en accueillir une nouvelle. Brusquement, un éclair blanc passe dans mon champ de vision et Hélios se jette sur la pelote, la mordant avec vigueur, ses yeux étincelant d'un feu nouveau. J'ai beau connaître le jeune homme et ne pas le juger, je suis très surprise et en lâche mes aiguilles. Le pauvre est immédiatement penaud et gêné, il semble que le félin chez lui ne se limite pas à une paire d'oreilles.

Ce n'est pas grave du tout, ne t'inquiète pas. Tiens.

C'est peut-être un peu cavalier de ma part mais je me penche pour récupérer une pelote neuve multicolore que je dépose dans les mains de mon protégé. Comme ça, il a son propre jouet et pourra s'amuser avec sans honte, à l'abri des regards s'il le souhaite. Qu'il s'agisse du félin ou simplement de lui, il semble que la boule de laine lui fasse plaisir alors autant l'aider. Il se penche pour me faire la bise et je le serre contre moi avec tendresse.

Ca va aller, mon chéri. Un pas à la fois et à ton rythme.

Une façon de lui dire qu'il n'a pas à s'excuser de demander de l'aide. Il pourra rester autant qu'il voudra, ça me fait plaisir de m'occuper de lui, malgré les circonstances. Je me demande comment vont réagir les gens avec lesquels il travaille. Tout ce que je peux espérer, c'est que cette petite ville accueillant tant d'êtres uniques sache ce que signifie "tolérance". Sinon, je devrai leur faire rentrer la définition dans le crâne à grands coups de dictionnaire. Violemment.

Dors bien surtout.

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Le maigre cadeau semble pourtant lui faire plaisir et Hélios sourit en appuyant sur la pelote, je me demande si je vais le retrouver emmêlé dedans demain matin. C'est une nouvelle vie qui commence pour lui, encore, et je croise les doigts pour que ça se passe en douceur. Et surtout bien plus facilement que lorsqu'il est arrivé dans ce monde. Le pauvre… Il ne se confie pas vraiment sur ses relations ou ce qu'il ressent mais peut-être, peut-être qu'il trouvera quelqu'un pour le protéger et lui apporter tout le bonheur du monde. Après, je ne parle pas forcément d'un amant, je serais mal placée pour pousser ce jeune homme dans les bras de quelqu'un alors que je reste fidèle à mon époux disparu. Du moins, aussi fidèle que possible.

Bonne nuit maman…

Hélios s'éclipse, sa queue remuant dans son dos et donnant à sa silhouette quelque chose à mi-chemin entre la grâce et le grotesque. Moi, je reste figée dans le salon, sous le choc d'avoir été appelée Maman. Ce n'est peut-être qu'une façon de parler, une taquinerie mais les mots pénètrent directement au plus profond de mes os et je souris, émue. Être une mère, voilà l'un des grands accomplissements de mon ancienne vie et de savoir que je peux l'être pour ce garçon, ne serait qu'un peu, que quelques heures, me remplit d'une joie immense. J'essuie une larme au coin de mon œil en rangeant mon tricot, il est temps que j'aille me coucher moi-aussi, même si je laisserai la porte entrouverte et une lumière allumée dans le salon, au cas où.

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Sous la couette, je ferme les yeux et laisse mon esprit divaguer sur des flots doux-amers après la marque de tendresse de Hélios. Je me demande s'il est sincère ou s'il ne s'agissait que d'un coup de tête dû à la détresse dont il est victime. Le pauvre, il est toujours adorable mais sa nouvelle apparence le fait souffrir, quoi de plus normal...et injuste. Il n'empêche, me faire appeler "maman" me manque, dans n'importe quelle langue. Mais je ne devrais pas m'appesantir là-dessus, je ne l'ai déjà que trop fait et ce n'est bon pour personne. Surtout que parfois, la solitude me pousse à des actions que je ne regrette pas vraiment. Ne vous méprenez pas, je n'ai pas l'intention de retomber dans les bras d'Alessandro, il a su m'aider quand mon coeur (et mon esprit) étaient perdus et je ne l'en remercierai jamais assez.
Songeuse, je pose la main sur mon ventre où je sais que quelque chose s'est mis à enfler, en me souvenant du passé. Les rires, les jeux, les banquets se mêlent au présent, à cette vie à Mirapolis et je m'endors dans la valse des images colorées.

Quelque chose me tire à demi de mon sommeil, je sens des vibrations contre moi et une présence chaude. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que Hélios a quitté sa chambre, il devait se sentir seul ou apeuré. Les yeux toujours fermés, je passe un bras autour de lui pour le garder serré, caressant doucement son dos avant de me rendormir. C'est tellement simple mais tellement naturel...j'espère qu'il se sentira mieux au matin.