We're not born to sue but to command

PSEUDO: Thalia Bubble ; ÂGE: La vingtaine ; PRÉSENCE SUR LE FORUM : souvent ; NIVEAU DE PUISSANCE (0 ou 1) : 1 ; UN DERNIER MOT ?Il est des êtres qui nous marquent et s’impriment dans nos os…voilà, c’est tout

Let’s talk of graves, of worms and epitaphs…


Ma vie est une tragédie et je ne dis pas cela uniquement car les gens ne se souviennent de moi qu'à travers le prisme d'une pièce de Shakespeare. Non, mon histoire possède les ingrédients d'un bon drame : trahison, larmes, amour, humiliation, mort...

N'ayant nul intention de faire simple et court, je m'en vais vous compter l'existence qui fut la mienne, à ma façon. Peu m'importe ce qu'aura raconté ce dramaturge dégarni ou ce que les livres d'Histoire ont retenu, personne ne me connaît mieux que moi. Probablement car plus personne ne me connaît. Je ne suis ni Coeur de Lion ni Richard III le fourbe, je suis le deuxième, l'inconnu, l'effacé mais aussi le flamboyant, le divin, le véritable souverain.

Bordeaux me vit naître en hiver 1367, le superbe fils du Prince Noir, héritier de la couronne d'Angleterre après le terrible et grand Edward III. De par mon sang, de par la couronne apposée sur ma tête, j'étais l'équivalent de Dieu sur Terre, deux corps en un seul, le divin et le mortel. Tâchez de vous en souvenir lorsque le temps de ma chute sera venu.
De mes jeunes années, je ne dirai pas grand chose, élevé sans parents, entouré de nobles me conseillant alors que je montais sur le trône, âgé de 10 ans à peine. Avant même que ma voix ne commence à muer, j'avais déjà écarté une révolte paysanne avec l'autorité d'un véritable roi. Craignant pour leur pouvoir, les nobles se rassemblèrent sous le nom de Lords Appelants pour mieux me contrôler mais je luttais avec force et écartais leurs mains avides du cercle doré ceignant mon front. A partir de ce moment, une tension glacée s'installa car j'avais senti combien mon rôle me rendait solitaire, à la merci des convoitises.

Inutile de détailler mon règne, vous n'en avez cure et l'Histoire n'apposera à côté de mon nom que ce simple mot : tyran.
Aux yeux de l'époque, je n'étais pas un bon souverain car ce dernier doit être un guerrier puissant ayant une progéniture nombreuse. Or, je ne me suis jamais illustré par mes faits d'armes, préférant les arts, la culture, le luxe. Mes fêtes étaient les plus belles, je protégeais tous les artistes, toutes les formes de culture plutôt que de chercher à écraser mes voisins. On me reprocha d'ailleurs longtemps d'avoir préféré une alliance avec la France plutôt que de l'écraser sous mon talon. C'est que verser le sang ne m'a jamais plu, ça tâche et ça n'apporte rien. Quant à ma descendance, elle n'a jamais existée. Ma première épouse, chère Anne, ne m'a pas donné d'enfant avant emmenée aux cieux et la seconde était bien trop jeune pour que je la touche, pauvre Isabelle. Elle n'avait que 7 ans lors de nos noces, à peine onze lorsqu'elle devint veuve.

Faible, cultivé, stérile ou préférant les hommes, un portrait rappelant fort celui de mon ancêtre Edward II dont on ne retient souvent que les amants et la fin cuisante (pour employer une expression grossière, "il l'a eu dans le cul"). On ajoutera à mon sujet que j'étais bien fait de ma personne, grand mais dégageant parfois une timidité allant jusqu'à un léger bégayement. Ce n'est pas totalement faux mais qu'importe. Laissez-moi plutôt entrer dans le vif du sujet, la partie la plus intéressante de mon histoire.


La tragédie commence par la dispute entre deux nobles s'accusant mutuellement de trahison : Thomas Mowbray et Henry Bolingbroke (un cousin). Plutôt que de les laisser verser leur sang inutilement, je les condamne à l'exil quoique la peine de mon cousin soit réduite à quelques années. Favoritisme ? Probablement. En l'absence de Henry, son père (John of Gand) décède et laisse derrière lui des richesses qui me seraient bien utiles pour financer la guerre que je mène en Irlande. Puisque le fils est au loin, je m'approprie ses biens et c'est sans doute la plus grand erreur de ma vie : on ne touche pas impunément à la propriété des nobles, fuissiez-vous le roi.

Alors que j'étais parti dans le Nord pour mener mes troupes, mon oncle -le Duc d'York- et d'autres partisans firent revenir mon cousin Bolingbroke et le désignèrent souverain à ma place. C'est donc sur une plage que j'appris cette cruelle trahison et que la couronne qui étincelait dans mes cheveux n'était plus qu'un simple cercle de métal. J'étais, en un instant, devenu aussi insignifiant et éphémère qu'un nom tracé dans le sable que les vagues lèchent et effacent. A mes côtés ce jour-là, mon fidèle et précieux Aumerle, mon favori comme on dira. Sans lui, j'aurais sombré dans le désespoir le plus profond. Mais le plus dur restait à venir.

Je reviens à Londres, on me fit paraître devant la cour, nu pieds, dans une modeste robe blanche comme si je n'étais qu'un paysan ou un accusé. Je l'admets, ce n'est pas sans larmes que je m'adressais aux traitres qui me faisaient face car je me sentais tel le Christ. Si ce n'est que lui avait trouvé l'honnêteté chez ses douze apôtres excepté un. Moi, dans douze mille personnes, aucun. En m'ôtant ma couronne, on me retirait mon rôle, mon nom, mon corps, toute ma substance car qu'est-ce qu'un roi sans royauté. Une idée, une larme au fond d'un puits.
Je pourrais parler des heures de ce moment déchirant, de mon cousin qui s'excusait de sa traîtrise tout en arborant déjà les attributs de son nouveau pouvoir. Sans doute vaut-il mieux éviter ce sujet si vous ne souhaitez pas m'entendre discourir toute la nuit.

On me jeta dans le cachot le plus obscur et le plus secret, on me jeta de la terre et des crachats, on souilla mon nom et mon corps alors que le nouvellement couronné Henry IV se pavanait sous une pluie de pétales de fleurs. Dieu sauve le roi...mais moi seul avait été élu par le Seigneur, en moi-seul résidait le Corps divin. Aumerle voulut me rester fidèle mais après avoir été découvert, il décida de se ranger du côté des vainqueurs et arriva un jour dans ma cellule, les yeux brillants de détermination.

La suite ne sera connue que de vous seul, les historiens se disputent encore sur les circonstances de ma fin, on soupçonna même que je n'étais point mort. Mais je m'en vais vous conter ce qui advint réellement du triste Richard II.

Amaigri, affaibli, je vis apparaître devant moi l'homme que j'aimais, accompagné de deux hommes armés. Je luttais de toutes mes maigres forces mais ce n'était point suffisant. Tel Saint Sébastien trahi par ses soldats, je fus percé de flèches (de carreaux d'arbalète dans mon cas) et expirais sur le sol glacé et humide d'une immonde geôle. Aumerle apporta mon corps à Henry pour montrer sa loyauté et mon cousin me pleura amèrement. Jamais il n'avait voulu commencer son règne dans le sang et pourtant...

Une bien triste histoire, je le reconnais. Le plus drôle, je mourus assassiné par mon amant le jour des amoureux : le 14 février 1400.

Résumé :

Let us sit upon the ground and tell sad stories of the death of kings...

De ce monde, je ne connais rien, je ne sais rien si ce n'est que rien n'est resté de moi six siècles après ma mort. Presque nulle trace de mon nom dans les livres d'Histoire (si ce n'est "tyran", un bien maigre portrait), personne ne s'est intéressé à ma vie et l'on ne me connaît qu'à travers une pièce de théâtre et encore pas la plus connue. Soit, moi le Soleil de l'Angleterre, je fus donc étouffé sous la terre et le pas des traîtres qui ont marché sur ma tombe.

Que compte-je faire ici ? Je n'en ai aucune idée. En moi se dispute l'envie de retrouver ce que j'ai perdu et le désir de demeurer caché, de troquer mon sceptre contre un bâton de pélerin, mon vaste royaume pour une petite tombe. Une petite, petite tombe, une tombe obscure car j'ai déjà effacé de mes larmes, de mes mains et de mon sang l'onction, la couronne, ma divinité sacrée.
Je pense devenir professeur, non pas d'Histoire (ce serait inutile) mais de littérature, afin de renouer avec ma passion des arts. Les mots jamais ne me feront de mal. Peut-être que j'étais destiné à cela : à vivre plus humblement, plus paisiblement. C'est une chance de recommencer pour une existence plus douce.
Comme si je pouvais me contenter d'un rien, moi qui fus l'être le plus étincelant, moi qui commandais des sujets, offrais le bonheur, représentais tout un royaume et plus encore.