Conciliabules... beaucoup de bubulles...

J'avais vu l'objet que le petit policier avait trouvé. Une flute. Rien de brillant. Il l'avait tenu comme un trésor, j'avais simplement reniflé du nez... Ayant peut d'intérêt pour ce genre de babiole. Pour moi son trésor n'avait de trésor que le nom et je regrettais presque de m'être déplacé pour rien.

De cette aventure, je n'avais rien gagné et remontant aux côtés de la jeune femme qui m'avait été lié, je lui jetais de temps en temps un regard en coin, pensif. Il allait falloir rejoindre la ville et nous étions tous plus ou moins fatigués. Personne ne parlait, le silence aurait presque pu paraître pensant mais il ne l'était pas.

Je continuais ma route, me dirigeant vers la ville sans autre but que de retourner à mon domicile et m'y coucher. Lorsque nous arrivâmes à ses abords, tout le monde prit des chemins différents, tout le monde... ou presque. Car je remarquais que Mathilde ne changeait pas de route, elle semblait me suivre pour je ne sais quel raison et je finis par m'arrêter pour la regarder.

" Tu ne sembles pas avoir envie de rentrer. N'es-tu pas... fatiguée ? "

Après notre aventure et notre rapprochement quelque peu forcé où nous avions décidé de nous entraider, je ne voyais pas l'intérêt de mettre les formes du vouvoiement à nouveau. Je doutais qu'elle en prenne ombrage après tout ce qu'il s'était passé durant cette soirée.

C'est alors qu'elle me proposa d'aller ' boire un verre ' et je la regardais un instant intrigué. Ne pas se retrouver à nouveau seul après une telle aventure, c'était peut-être aussi quelque part son idée. Je n'avais pas vraiment de raison de refuser et je la laissais me guider vers le café de son choix.

Nous entrâmes dans le café et je la laissais choisir la place qu'elle souhaitait. Ignorant qu'elle breuvage ne me paraîtrait pas amer dans les différents cafés proposés, je me rangeais plus vers un thé noir afin de tenter de me réveiller. Je devais avouer que la journée avait été particulièrement éprouvante et je tenais à garder une certaine contenance.

Nous fûmes servis assez rapidement et je trempais les lèvres dans le thé brûlant alors que ma compagne abordait enfin le sujet pour lequel, je l'imaginais, elle m'avait suivi.

Je hochais la tête quand elle me remercia. Effectivement j'aurai pu la laisser mourir. J'aurai sans doute même dû la laisser mourir et pourtant je ne l'avais pas fait. Je l'avais aidé... et quelque part soutenue.

" Tu m'avais aidé, j'ai fait ce qui me semblait juste "

Mais j'avais trop montré de moi cette fois et j'avais bien peur que cela ne me soit préjudiciable. Il n'était jamais bon de dévoiler à trop de monde ses cartes. Autrefois mon sang avait été poison utile pour Heraclès... Celui-là même qui n'avait laissé de moi qu'une simple tête... qui m'avait laissé sombrer dans la folie et la solitude durant des siècles.

" J'imagine que faire comme si tout ceci n'avait pas existé serait rêver ? "

Si le pouvoir de mon sang la fascinait autant, je doutais qu'elle ne veuille l'oublier juste parce que je le demandais. La tuer alors que je l'avais sauvé pour que jamais elle ne se confie ? Malheureusement inutile car elle n'avait pas été le seul témoin et les autres devaient déjà être loin.

" C'était la première fois que j'agissais à la lumière. Il n'y avait qu'une personne qui connaissait mon secret avant aujourd'hui... Je vais devoir assumer les conséquences de mes actes à la lumière de demain et des jours prochains "

Je soupirais. Cela avait été une journée fatigante et il était certain que j'aurai dû plus réfléchir et ce même en créant quelque part deux dettes de vie.

Elle était curieuse mais je voyais bien qu'elle ne se souvenait pas de tout ce que j'avais pu tenter face à la créature. Si je l'avais soignée elle et l'homme blond à l'aide de mon sang, j'avais aussi tenté d'affronter la créature à l'aide de ce dernier et de quelques projectiles. Mon sang était pure dualité, une contradiction à l'état pur.

De plus j'avais agis à visage découvert alors qu'il y a quelques temps des hommes avaient tenté de me capturer dans une ruelle après que je sois sorti de mon travail. Quelqu'un me surveillait déjà depuis qu'un homme m'avait surpris guérissant trop vite d'une coupure à l'hôpital. Je soupirais. J'avais sans doute fait une erreur...

" Je suis médecin, chirurgien plus exactement. Mais... disons qu'on a déjà tenté de me priver de ma liberté et je n'ai pas vraiment envie de finir à la manière des rats de laboratoire. De plus le pouvoir de mon sang n'est pas que bénéfique "

Je souris sibyllin avant de boire plusieurs gorgées de mon breuvage. Elle parlait de pouvoirs qu'elle pouvait avoir en elle. Pouvoirs que je n'avais pas vu en oeuvre malgré qu'elle sentait les herbes et la fumée depuis que je l'avais rencontrée.

" Un être que l'on appelait sorcière autrefois ? Tu sens les herbes et la fumée, j' t imagine devant un chaudron d'argent sous la lune pleine "

C'était une tentative de la cerner également mais je me demandais pourquoi elle n'avait pas eu recours à ses pouvoirs et connaissances devant l'araignée. Elle avait été bien plus prudente que moi d'une certaine manière même si elle avait mis par là sa vie en jeu. Elle était seulement sauf maintenant et moi je me trouvais désormais en pleine lumière.

" Tu as agi brillamment en ne te révélant pas, au contraire de moi. J'ai répondu aux doutes que nourrissaient mes ennemis et je devrais maintenant vivre en éveil de peur de perdre ma liberté "

" Il se trouve que j'ai quelques talents "

Je souris, ma vie précédente ne m'avait certes pas laissé mon corps et ma résistance, mais elle m'avait laissé un certain nombre de mes sens et cela je ne le regrettais pas. Être aussi fragile qu'un nouveau né et même plus avait été assez perturbant pour moi. Devoir jouer les humains, moi qui les dévorait jadis, vivre et marcher parmi eux... Presque une aberration pour l'être que j'avais été et puis j'avais appris, j'avais tellement écouté. Je n'avais plus voulu être seul et j'avais fait fi de mon ressenti et de mes aprioris. Enfin presque. Je n'étais pas encore totalement à l'aise avec toutes les mœurs humaines et... j'en mangeais toujours.

" Sorcière et monstre d'un monde oublié, curieuse alliance qui fut la nôtre "

Elle m'avait révélé la nature de son ancienne identité, je me permettais dès lors de lui confier une part de la mienne. Monstre, c'est ainsi que l'on m'avait nommé, pas vraiment une légende, juste un qualificatif, et pourtant j'étais entré dans la légende, mais pas dans la mienne, dans celle d'un autre. Créature mythique vaincue et presque oubliée. Combien d'hommes se rappelaient encore de moi ?

" Je me suis coupé au travail et ma coupure s'est refermée bien trop rapidement. Malheureusement je n'étais pas seul. Un collègue m'a vu et a dû renseigner quelqu'un "

Dans mon regard passe une ombre, un parfum de colère émane surement de moi. Dans mon ancienne vie cet être qui a parlé ne serait plus. Ici le faire disparaître aurait été difficile, du moins au sein de l'hôpital, mais je ne pouvais nier que l'idée de le manger ne m'avait pas traversé l'esprit. Seulement aujourd'hui il était sans doute trop tard, il avait déjà parlé, parlé depuis bien longtemps. Je n'aurai pas dû attendre. De plus désormais bien trop savaient et je n'étais pas certain de pouvoir venir à bout de tous les témoins.

" J'ignore qui nous traque mais cette personne ayant envoyé des hommes doit avoir une certaine notoriété, une certaine richesse.  Je ne sais pas si dans cette vie il existe des ducs ou des seigneurs. J'en ai connu des hommes qui envoyaient des armées. Je dis nous, mais toi, tu n'es pas en danger, n'est-ce pas ? Pourquoi est-ce que tu ferais quelque chose pour moi ? "

Je ne comprenais pas quel était son intérêt à mon égard. Nous nous étions mutuellement aidé par le passé. Pour moi nos dettes étaient closes alors pourquoi, pourquoi me proposait t'elle de m'aider ?

J'étais bien entendu à mille lieux de me rendre compte que la jeune femme me trouvait peut-être un  manque d'intelligence certaine. Mais je la trouvais en tout cas présomptueuse de penser qu'à son niveau elle pourrait arrêter une organisation criminelle organisée... ou pas. Elle était bien gentille de me proposer une aide, ou que je l'aide, bien sûr, mais à mon humble avis elle ne savait pas à qui exactement elle s'engageait et surtout elle manquait pour moi de moyens et de possibilités. J'avais presque envie de lui sourire comme à une enfant qui s'emballe sans connaître tous les éléments, un de ces enfants ou de ces jeunes humains qui pensaient révolutionner le monde autour d'un verre à la terrasse d'un café.

" Je pense que si ces hommes, certes de moindre intelligence et capacité, ont été envoyés, c'est qu'il existe déjà une organisation ou quelque chose d'approchant "

Je voyais surtout que cette alliance, comme elle le disait, était surtout profitable à elle avec moi en tant qu’appât. J'avais su me défendre une fois et contre des êtres de moindre puissance je savais que je m'en sortirai. Je ne pouvais bien sûr pas parier sur un avenir où les ennemis seraient plus forts et plus  nombreux mais m'associer à elle ? Je ne voyais pas en quoi cela me serait profitable. Ne lui en déplaise.

" Alliance intéressée pour toi en te servant de moi comme appât. Tu pourrais simplement te terrer... "

* Se terrer comme un rat...*

" La police ? Quand je vois la force de son représentant principal, j'avoue avoir quelques doutes concernant son efficacité. Il est en vie par chance, certainement pas par talent. Je ne pensais pas compter sur qui que ce soit à vrai dire. J'avoue que les humains en généralité ne m'inspire pas une confiance grandissante "

Il lui en faudrait bien plus que de simples petites paroles pour me convaincre de lui prêter aide ou ma personne tout simplement. Car je n'étais pas dupe. Si elle m'avait approché moi, plutôt qu'un autre être à pouvoir, c'était certainement pour faire des...expériences. Elle m'avait en premier parlé de mon sang, puis de s'aider, et elle était sorcière, une sorcière qui faisait des potions. Il ne fallait pas être un génie pour additionner le tout. J'attendais qu'elle se dévoile, qu'elle dévoile réellement ses intentions, quitte à jouer l'innocence, si tant était qu'on pouvait me qualifier d'innocent.

L'altruisme... un bien drôle de concept, l'altruisme. L'idée que l'on pouvait faire des actes sans programmer un retour, le faire pour rien, par gratuité. Les médecins étaient censés prôner cela d'après les codes humains mais même eux recevaient un salaire pour cela, et donc une récompense. Je ne croyais pas à l'altruisme des humains ou des créatures en général et pourtant j'avais aidé Maëllis avant qu'elle ne me soit proche, j'avais aussi aidé cette fille que j'avais devant moi alors que nous n'étions plus lié... parce qu'elle m'avait aidé auparavant ? Pour une dette remboursée ? Pas vraiment... et pourtant j'étais resté.

Une chose était certaine, je semblais avoir heurté sa sensibilité. Être rejetée, que l'on soit monstre ou humain, cela faisait mal... certainement. Mais j'avouais que je ne savais pas quoi faire de sa proposition. Lorsqu'elle parla d'une peur que j'aurai pu avoir, j'eus un sourire un peu froid. Ce n'était pas tant de la peur que j'avais, mais simplement je ne voulais pas finir en animal de laboratoire. Cela étant dit, de l'attaque, je n'avais eu nulle peine à me défaire, et je ne vivais pas si angoissé que cela même si j'aspirai à la tranquillité et qu'on ne se mêle pas de mes... affections. Surtout celles concernant la chair humaine.

" Je ne suis pas habité par la peur "

Et c'était peut-être un tort. Cela dit je ne cherchais pas spécialement la compagnie des humains et si elle n'insistait pas plus, je n'allais pas lui courir après. C'était son choix de me parler, et son choix de m'avoir invité ici. Je n'allais pas la fuir, mais je l'allais pas non plus la retenir.

" Il semble que je t'ai vexée, mais les seuls êtres qui ont été traumatisés de cette attaque, ce sont ceux qui m'ont attaqué. Si ça se met, ces individus n'en ont qu'après moi et si tu restes sagement dans ton coin ils ne s'intéresseront pas à toi. Je ne comprends pas pourquoi tu veux m'aider alors que je ne suis rien pour toi à moins que tu n'aies une idée derrière la tête. J'ai du mal à croire en l'altruisme. Et toi, d'où te viens une si grande confiance en ton prochain ? Je me demande quelle peut être ton histoire..."

Etrange petite humaine, parle-moi un peu plus si tu veux me convaincre de quoi que ce soit. Comme les héros du passé, lance-toi dans ton monologue pour me convaincre de te céder.